De Beyrouth à Paris, le studio T-Sakhi crée sans œillères

Fondé en 2016 par Tessa et Tara Sakhi, le studio T-Sakhi basé à Beyrouth et Milan s’affranchit de toutes les frontières. Design, architecture, installations, courts-métrages… Les deux sœurs ne reculent devant aucun métissage, avec une liberté qui s’exporte aujourd’hui à Paris.

En plein cœur de Paris, l’historique Passage des Panoramas accueille depuis avril dernier le premier lieu pensé par les sœurs Sakhi dans l’Hexagone. Tessa et Tara ont répondu à l’appel du chef Tamir Nahmias. Les deux architectes ont invité l’esprit du Moyen-Orient dans l’écrin du restaurant-épicerie Adar. Teintée de gastronomie française, la cuisine du Levant s’y réinvente dans une atmosphère brute et décontractée, rehaussée de teintes chaudes, de céramiques artisanales et d’un « lustre à condiments » qui évoque l’abondance des souks.

Le restaurant-épicerie Adar, à Paris.
Le restaurant-épicerie Adar, à Paris. RBassenne-Tsakhi

« Fasciné par les imperfections et les traces du temps sur la matière », le duo ose une esthétique accidentée, riche de patines contrastées et de mobilier chiné, mais sait aussi en prendre le contre-pied. C’est notamment le cas au sein du restaurant Sax, qu’il a entièrement aménagé à Beyrouth. Intimiste malgré ses 700 m², l’espace mise sur le raffinement, avec des banquettes capitonnées et d’immenses « cages à oiseaux » dédiées aux tourtereaux (ou amis…) inséparables. La finesse de leurs lignes répond à celle des fauteuils de Warren Platner, eux-mêmes en dialogue avec des chaises et tabourets dessinés spécialement pour le lieu.

Le restaurant Sax à Beyrouth.
Le restaurant Sax à Beyrouth. IevaSaudargaite
Une des « cage à oiseaux » XXL du restaurant Sax.
Une des « cage à oiseaux » XXL du restaurant Sax. Ieva Saudargaite

Trois ans après sa création, le studio s’affirme aussi à l’aise en design qu’en architecture d’intérieur et impressionne déjà par la diversité de ses projets. En attestent les structures réalisées pour un club de la capitale libanaise. Habillées de lumière, elle s’assemblent et se démontent en à peine deux heures pour accueillir des soirées face à la Méditerranée. Avides de projets « activateurs de sociabilité », les deux sœurs s’intéressent particulièrement aux expériences éphémères, à l’image de leurs récentes installations urbaines.

Le club Decks on the Beach.
Le club Decks on the Beach. Tony Elieh

Face au manque de mobilier et de végétation, qui caractérisent le tissu urbain de  Beyrouth, elles ont détourné l’année dernière les barrières de sécurité qui envahissent la ville. Celles-ci se sont transformées en assises et en cloisons végétalisées. Une manière de favoriser les rencontres et les interactions à l’heure des réseaux sociaux, qui se décline six mois plus tard au sein des arches métalliques du projet « Lost in Transition ». Aires de jeux pour les enfants ou de bavardage pour les adultes, elles tendent également à « flouter la frontière entre objet et espace ». Un résultat somme toute logique, au vue de la pratique multiple que revendiquent Tessa et Tara Sakhi.

Installation « Holidays in the Sun ».
Installation « Holidays in the Sun ». TSakhi
Installation « Lost in Transition ».
Installation « Lost in Transition ». TonyElieh

« Nous n’insistons pas sur une discipline particulière, mais plutôt sur une façon de penser, traduite à travers différents médiums, que ce soit l’architecture, la conception d’un produit, une installation ou un film », défendent de concert les deux sœurs, qui s’associent régulièrement avec des réalisateurs pour illustrer l’âme de leurs projets dans de courtes vidéos. D’origines polonaises, installées entre Beyrouth et Milan, elles multiplient autant les collaborations que les influences : « Nous voyageons constamment […] et nous inspirons de divers milieux et cultures. C’est très intéressant pour nous de voir comment deux inspirations différentes peuvent s’assembler en une idée forte. »

Avec la collection « Tasting Threads », elles viennent par exemple de concilier le savoir-faire des verriers de Murano avec les formes traditionnelles de la vaisselle libanaise. Le tout agrémenté de fils métalliques qui confèrent à chaque pièce une texture et des motifs organiques. Achevée au cours de l’été, la gamme s’exposera pour la première fois en France à l’occasion de la Paris Design Week, au sein de l’exposition 1 000 vases, organisée du 6 au 8 septembre par Meet My Project.

Tara (à gauche) et Tessa Sakhi, fondatrices du T-Sakhi Studio.
Tara (à gauche) et Tessa Sakhi, fondatrices du T-Sakhi Studio. Alain Sauma