Au pied de l’immense rocher qui la domine, la petite ville médiévale de Cefalù s’étend dans une lumière mordorée. Si vous gagnez le sommet de « la Rocca » (le rocher), votre rude ascension sera récompensée par un panorama vertigineux. Les toits rouges de la vieille ville aux ruelles entrelacées, encadrés de part et d’autre de collines verdoyantes et du bleu limpide de la mer, sont dominés par les deux tours d’une cathédrale semblable à une citadelle dont l’austérité cache bien le jeu ; la magnificence des mosaïques que cette cathédrale abrite lui vaut, au même titre que celles de Palerme et de Monreale, d’être classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
Mieux que ne l’expliquerait n’importe quel livre d’histoire, ces splendeurs arabo-normandes et byzantines illustrent la fructueuse coexistence de peuples et de religions diverses sur cette île au carrefour de l’histoire de la Méditerranée… Quant à la beauté du site, elle n’avait pas échappé à la perspicacité du Club Med qui, dès ses débuts, a fondé son succès sur des choix d’implantations stratégiques. C’est donc ce village de vacances construit il y a une soixantaine d’années sur un cap de 16 hectares qui renaît aujourd’hui.
Contre les constructions sauvages qui ont défiguré nombre de côtes siciliennes, les autorités italiennes tentent d’établir diverses réglementations. Pour prendre à bras-le-corps cette rénovation qui devait être low profile (le club devait être invisible depuis Cefalù) tout en revalorisant le village pour en faire un 5-tridents (l’équivalent d’un quatre-étoiles), Thierry Fourniret, à la direction du département des constructions du Club Med, a fait appel à l’agence King Roselli, basée à Rome. Très active dans le champ de l’architecture hospitalière, celle-ci a bûché son sujet – et les contraintes administratives – une bonne dizaine d’années.
« Quand on est arrivé ici la première fois, en 2005, il n’y avait que la nature et… 566 cases ! Le club était encore en activité et ça ressemblait plus à un camping géant qu’à autre chose, rappellent Jeremy King et Katia Scarioni. Il y a eu une sorte de correspondance entre ce que la nature imposait, le respect du site exigé par les autorités locales et notre propre conception de l’architecture. Exploiter les rochers, utiliser du bois, conserver au maximum la végétation, construire bas… c’était de toute façon le langage que nous voulions utiliser. »
La répartition entre villetas, ces bungalows en bois préfabriqués, et chambres du burgo (le village), en pierre sèche, s’est faite en fonction des contraintes du site : « Nous n’avions pas le droit de bâtir en dur à moins de 150 mètres de la mer. En deçà de cette ligne, il fallait des structures plus “temporaires”, d’où le choix du bois. » Dix-huit mois de chantier, jusqu’à 500 ouvriers sur le site et 80 millions d’euros d’investissement plus tard, le club est fin prêt, les GO ont répété leurs « crazy signs » et le chef Andrea Berton (étoilé à Milan) a rodé sa carte.