Christophe Delcourt, trente ans d’un design qui ne vieillit pas

De la terre au théâtre, puis au mobilier : Christophe Delcourt n’a rien d’un designer formaté. Depuis trente ans, il cisèle un design français d’une élégance rare, où artisanat d’art, matériaux nobles et exigence de ligne se conjuguent dans une même sobriété sensuelle.

En parcourant ses trente dernières années de création dans le domaine du design français, rien ne semble daté. Matières nobles, finitions artisanales, lignes intemporelles… Le style du mobilier de Christophe Delcourt est à la fois discret et expressif. Une gageure relevée avec élégance.


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L’artisanat d’art, ADN du design contemporain selon Christophe Delcourt

Christophe Delcourt exerce son métier tel un ensemblier Art déco. S’il aménage des appartements, dessine du mobilier haut de gamme et signe même ses tissus, il collabore également avec des éditeurs de design français et internationaux (Minotti, Baxter, Molteni ou Roche Bobois). Intemporel, il le reste dans tous ses projets, qu’il s’agisse d’une chaise en noyer ou d’une table en pierre, avec une prédilection pour les angles arrondis.

Christophe Delcourt, entouré de la chaise Yug en bois, du paravent Yoa en frêne et de la commode basse Ost en chêne brossé (Delcourt Collection).
Christophe Delcourt, entouré de la chaise Yug en bois, du paravent Yoa en frêne et de la commode basse Ost en chêne brossé (Delcourt Collection). FRANCIS AMIAND

En 1995, à l’ouverture de son studio et de son magasin parisiens, le trentenaire s’occupe de tout : création et gestion. Fils d’un père fleuriste et d’une mère secrétaire médicale, le jeune homme a grandi en banlieue parisienne. À 14 ans, il s’exile à la campagne, avec l’envie de se former au métier d’ouvrier agricole. Six ans plus tard, de retour à Paris, celui qui sait désormais planter des choux, traire des vaches et nourrir des porcs s’inscrit, contre toute attente, au Cours Florent !

L’apprenti comédien, amené à construire un décor, se découvre une vocation : investir les espaces. Sur son premier stand à Maison & Objet, en 1995, il présente sa lampe réglable Kay, dont l’abat-jour séduit les amateurs d’art. Pendant trois ans, les ventes de cette lampe et celles de ses premiers meubles lui permettent de financer son passage à la production de mobilier contemporain.

Près de 500 modèles plus tard, seules ses créations initiales ne sont plus dans le catalogue de ce qui est devenu Delcourt Collection. Tandis que le nombre de commandes augmente, deux frères – un ferronnier et un menuisier – collaborent avec lui. Alors que de plus en plus de designers semblent découvrir depuis peu le monde de l’artisanat d’art, Christophe Delcourt, lui, y puise depuis toujours sa rigueur et son indépendance :

« C’est très long de se comprendre. J’ai aussi rencontré un ébéniste de 17 ans qui venait de quitter son entreprise. Il m’a proposé de fabriquer toutes mes pièces. Ils n’étaient que deux dans son atelier, ils sont 40 aujourd’hui. »

Armoire Dua en orme brossé (Delcourt Collection).
Armoire Dua en orme brossé (Delcourt Collection). christophe delcourt

Au début des années 2000, le designer développe la collection « Rive Droite » avec Roche Bobois. Vingt-six pièces aux tons poivre, vert, aubergine, kaki, blanc, voire violet. En 2005, le style de son tabouret Yto en bronze trahit son indifférence aux réminiscences du design pimpant des années 1970. En 2007, son studio de création et son showroom s’installent rue de Babylone (VIIe), dans une ancienne fabrique de pianos.

Depuis, chaque année, c’est tout un esprit général que les amateurs de Delcourt Collection découvrent à Paris et à Milan, lors du Salon du meuble. Jusque dans les pièces de sa collection, tels la table Ybu (dessinée par Jean-Pierre Tortil), en noyer et au piétement figurant une forêt d’arbres stylisée, ou le paravent Pak en épicéa brossé façon puzzle noir. Christophe Delcourt pousse même le raffinement dans ses shootings photo qui révèlent le soin apporté au moindre détail.

Du mobilier haut de gamme à la création sur mesure : la quête de la perfection

En 2016, l’éditeur italien Roberto Minotti contacte Christophe Delcourt. Il lui trouve « un charme parisien relevé d’une touche de modernité et d’une grande sensibilité aux matériaux et aux couleurs ». Les systèmes d’assises « Granville » et « Daniels » en témoignent. Paolo Bestetti, président du label italien Baxter, repère Delcourt au Salon de Milan en 2019. La présentation de sa nouvelle collection remporte un franc succès auprès des médias.

Paravent Pak en épicéa brossé (Delcourt Collection).
Paravent Pak en épicéa brossé (Delcourt Collection). grégoire alexandre

Trois ans plus tard, chez Baxter à nouveau, son canapé Clara donne une petite leçon de design modulaire, tout composé qu’il est de galets arrondis. Il a fallu tendre le tissu sans multiplier les coutures, ce qui a mis à l’épreuve le savoir-faire des artisans. Delcourt apprécie cette liberté de création, en marge du cahier des charges. « Ce qui m’importe aussi, c’est de faire évoluer l’industrie quand elle s’intéresse à d’autres matériaux, comme le textile à base de maïs », dit-il après en avoir vu chez Molteni, dans son QG.

Dans un monde en constante mutation, les éditeurs italiens se soucient moins du produit que de la définition d’un univers. Christophe Delcourt, quant à lui, crée aussi bien des canapés que des plaids ou des tapis, mais un objet après l’autre. « Dans mon métier un peu solitaire, il faut défendre ses points de vue. C’est aussi un travail de séduction », précise- t-il.

Il répète à ses collaborateurs que l’on peut toujours faire mieux et les encourage à ne pas se contenter de ce qu’ils font – même s’ils le font très bien. « Je ne peux pas faire les choses de façon négligée. Je suis très perfectionniste », affirme celui qui vit beaucoup à la campagne, passant une grande partie de son temps en Normandie, où il élève des chevaux.

« Je suis en contact permanent avec la nature. J’en ai besoin. C’est mon ADN, ma ligne directrice », souligne-t-il, davantage sur le ton de l’énergique cavalier de concours, que de l’urbain contemplatif le temps d’un week-end. Chez lui, le design durable se pense autant dans la matière que dans le rythme, comme une création sur mesure façonnée pour durer.


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