On taille son steak chez Truffaut, on se brosse les dents dans le reflet de Kubrick, on pose sa clé sur un tableau digne de Wes Anderson. A la manière d’une pellicule surannée, le Château Voltaire est hors du temps. Intemporel. On y croise autant de héros imaginaires que de gens du gotha parisien, venus en son antre pour déguster une escalope milanaise en toute discrétion.
Ce jour-là, Franck Durand, directeur artistique des lieux, est assis sur une banquette, non loin d’une créatrice de mode franco-argentine et d’une chroniqueuse télé. De notre chaise de bistrot, on observe le bal des serveurs en tablier blanc et plateau d’argent servir des radis-beurre et des quilles de vin dans la plus pure tradition parisienne. Le menu s’accompagne d’une proposition de quelques mets plus contemporains — un tartare de thon sauce ponzu, un tataki de bœuf —, doux mélange de neuf et d’ancien qui semble traduire la philosophie du Château Voltaire, entre deux époques.
Le Château Voltaire est une œuvre collective
Les équilibristes en chef ne sont autres que le couple Festen, déjà aux manettes du récent hôtel Rochechouart, lui aussi très cinématographique, et des Roches Rouges, l’une des plus belles chambres de Méditerranée. Main dans la main avec Franck Durand, ils ont produit pour Château Voltaire un scénario digne de la Nouvelle Vague, chauvin et élégant.
Du restaurant, la brasserie Emil, au bar, la Coquille d’Or, en passant bien sûr par les chambres, la pellicule se déroule avec comme fil rouge la sobriété et la simplicité d’un Rohmer. Si certains y verront une révérence au Château Marmont de Sunset Boulevard, c’est bien l’élégance parisienne qui hante les couloirs de cet hôtel ouvert cet l’été. « Château Voltaire exprime parfaitement notre idée de ce qu’est le luxe aujourd’hui, pour notre génération : une forme de classicisme irréprochable qui porte la trace de l’histoire et une vraie charge émotionnelle » expliquent Charlotte de Tonnac et Hugo Sauzay du duo Festen, dont le nom de scène témoigne d’ailleurs d’une cinéphilie aiguë.
Nouvelle Vague
Château Voltaire est un hôtel post-Covid. Une résidence qui décloisonne le genre. « J’ai repensé aux films de Claude Sautet avec leur bande d’amis, les retrouvailles au café du coin, le brouhaha de la brasserie. A une place de village aussi, un dimanche, dans le sud… Mon inspiration, c’était toujours la vie dans son effervescence, les éclats de rire, la chaleur qui se dégage des gens heureux d’être ensemble » précise le maître des lieux, Thierry Gillier. Ainsi, clients et habitants du quartier prennent leur petit-déjeuner à la même table, télé-travailleurs et voyageurs en attente de leur avion profitent des canapés du salon-lounge, ou encore des tables dressées de la brasserie, ouverte toute la journée.
Seules bulles privées : les chambres, au nombre de 32. Chacune est unique, fruit des particularités du bâtiment. Le « standard » n’existe pas au Château Voltaire, en témoignent les mini bars disposés dans chaque espace — en fait de véritables placards remplis d’une quarantaine de pièces gourmandes, d’un percolateur et même d’une planche en olivier pour tailler son saucisson.
Une suite majestueuse coiffe les lieux, véritable appartement modulable dont la salle à manger s’ouvre sur une loggia baignée de soleil, elle-même adjacente à balcon mis en friche par Louis Benech. Celle-ci reprend les codes de ses cadettes : meublée de bois massif de chêne, parsemée d’œuvres d’art discrètes et jonchées d’une moquette forte au motif sur-mesure.
Enfin, aux antipodes, un bassin et un sauna reprennent le symbole de l’hôtel, la coquille, pour donner de l’aspérité à un décor minéral, sous les voûtes du sous-sol.
> Hôtel Château Voltaire, 55 Rue Saint-Roch, 75001 Paris. Réservations.