Pour combattre la contrefaçon mais aussi réinviter les Français à adopter une assise qui a conquis le monde, Tolix propose une version revue et corrigée de sa Chaise A… jusqu’à en faire s’effondrer son prix public. L’occasion pour IDEAT de revenir sur sa riche histoire.
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Xavier Pauchard, le père
Xavier Pauchard n’était pas destiné à révolutionner le mobilier, mais l’histoire aime les virages inattendus. Ce bourguignon, ancien couvreur, a pris un coup d’avance sur son époque. Comme l’explique Serge Lemoin : « Nul ne peut décrire Pauchard comme un architecte, un designer ou un artiste, car il n’était ni l’un ni l’autre. Il était simplement un fabricant, quelqu’un qui fabriquait des articles pratiques qui se vendaient ». En s’inspirant des Américains et de leur acier galvanisé, il introduit en France cette technique qui résiste à la rouille, transformant son atelier d’Autun en usine en 1917. Ses débuts ? Des outils agricoles et ménagers. Mais le déclic vient quand son représentant à Paris lui parle du potentiel des meubles en métal. Pauchard n’a ni diplôme de designer, ni croquis sous le coude. Juste une envie furieuse de créer.
Il fabrique alors la Chaise A, vers 1920, conçue comme un puzzle métallique. Empilable, pratique, un bijou de légèreté et de solidité, elle fait une entrée remarquée sur les terrasses des cafés parisiens. Avec ses 25 exemplaires superposables sur 2,3 mètres — un record rendu possible grâce à tous les ajustements qu’e la chaise a subi jusqu’en 1956 —, elle devient l’icône d’une France qui se modernise. Cette approche fonctionnelle, Pauchard la partage avec d’autres créateurs comme Jean Prouvé ou Marcel Breuer, mais là où le Bauhaus échoue à produire en masse, lui réussit. Tolix, c’est l’anti-luxe, le métal brut pour tous.
Les chapitres de la vie de la Chaise A
Dans les années 1930, la France thermale adopte la Chaise A de Tolix : les stations d’Aix-les-Bains se l’arrachent pour ses terrasses alpines où l’aristocratie européenne sirote en plein air. C’est d’ailleurs le début de sa légende, qui prend un nouvel élan avec le voyage inaugural du SS Normandie en 1935. Là, elle traverse l’Atlantique, incarnation du style français à bord de ce monstre d’acier, le plus luxueux paquebot de l’époque.
1937 marque un autre jalon. Pour l’Exposition universelle de Paris, Xavier Pauchard crée la collection T37. Plus de 12 000 chaises ornent les jardins de la ville, symbole d’une France qui célèbre la technologie et le design dans la vie moderne. Après la guerre, la Chaise A conquiert les espaces publics, des parcs aux hôpitaux, mais surtout les cafés et brasseries, où elle devient une pièce maîtresse, souvent échangée contre des contrats d’exclusivité par des brasseurs.
L’expansion se poursuit, mais à la fin des années 1980, une redécouverte la propulse au rang d’icône. Tolix et sa Chaise A entrent dans les musées, du MoMA à New York au Centre Pompidou à Paris. En 2022, alors que la marque est en difficulté suite au COVID, elle rachetée par Antoine Bejui et Emmanuel Diemoz. Ils redonnent un souffle à l’atelier d’Autun, préservant son esprit artisanal tout en revisitant les collections classiques, marquant une renaissance fièrement estampillée « Entreprise du Patrimoine Vivant ».
Tolix : une fierté française
L’héritage de Tolix repose sur une maîtrise unique des techniques métallurgiques, transmises de génération en génération, au cœur de la petite ville bourguignonne. Reconnue comme une « Entreprise du Patrimoine Vivant » (EPV), la marque incarne l’excellence artisanale française, ancrée dans une production locale et durable. Chaque chaise, chaque meuble qui sort de ses ateliers est le fruit d’un processus méticuleux, où plus de 80 % des opérations sont réalisées à la main, par des artisans hautement qualifiés. Cette attention au détail se traduit par une qualité inégalée, que l’on retrouve dans chaque pièce, des fameuses chaises A et C aux modèles plus récents.
Le processus de fabrication, collaboratif et complexe, illustre bien cette quête de perfection. À partir de tôles d’acier minutieusement découpées, chaque composant – pieds, dossier, cadre – subit une série d’opérations manuelles avant d’être assemblé avec une précision sans faille. Ce savoir-faire est le même depuis les premiers jours de Tolix, lorsque Xavier Pauchard révolutionnait le mobilier en métal dans les années 1930.
Aujourd’hui, l’entreprise, sous la direction d’Antoine Bejui et Emmanuel Diemoz, s’est non seulement attachée à préserver cet héritage, mais aussi à le réinventer pour répondre aux défis contemporains. Engagés dans une démarche écoresponsable, Tolix privilégie des matériaux locaux et recyclables, tout en optimisant chaque étape de production pour minimiser son impact environnemental. 98 % des chaises Tolix sont recyclables, les peintures utilisées respectent des normes strictes, et les déchets sont réutilisés. Même les créations présentant des défauts mineurs sont intégrées à une collection spéciale, « Les Imparfaits », témoignant d’une philosophie anti-gaspillage. Pour Emmanuel Diemoz, la force de Tolix réside néanmoins dans l’intemporalité : un design robuste qui ne doit jamais être abandonné. Et c’est là tout le paradoxe : si Tolix est durable, c’est parce que ses créations sont conçues pour durer, loin des cycles éphémères de la consommation moderne.
Un tournant dans la vie de la Chaise A : le domaine public
Plus d’un million de Chaise A ont été vendues par Tolix depuis sa création. Mais si elle peuple autant de photos sur les réseaux, c’est aussi parce que le design de Xavier Pauchard est tombé dans le domaine public. N’importe quel fabricant a ainsi le droit de la copier en toute légalité. Il existe néanmoins des différences fondamentales entre une copie produite en série en Asie et une Chaise A galvanisée, fabriquée à la main dans les ateliers historiques d’Autun. La forme peut sembler similaire, mais la qualité, elle, est incomparablement différente.
Cette différence s’illustre d’abord par le coût des matériaux. Là où une chaise bas de gamme peut sortir d’usine à 11 € HT, chez Tolix, les seules matières premières — tôle, acier, embouts — coûtent 25 € HT. Mais au-delà des matériaux, c’est le savoir-faire artisanal qui fait toute la différence. Chaque chaise nécessite une centaine d’opérations manuelles : emboutissage sur des machines historiques, peinture au pistolet, soudure effectuée par des artisans formés pendant deux ans. Tolix privilégie aussi les circuits courts, avec des matières premières sourcées à moins de 400 km de son usine. Composée à 99 % de matériaux recyclables, chaque Chaise A est une pièce unique, marquée par un savoir-faire et une passion inégalés.
Tolix réaffirme aujourd’hui cette différence avec une nouvelle version plus accessible de la Chaise A, sans concession sur la qualité. Grâce à la vente directe, une production optimisée, et des finitions standardisées, l’authenticité de chaque chaise est renforcée par une plaque d’identification précisant son origine. À 180 € TTC, la Chaise A de Tolix reste inégalée face aux modèles low-cost, mettant en lumière la valeur du Made in France, du fait main et du label Entreprise du Patrimoine Vivant.
> Chaise A, par Tolix. 180 euros, sur tolix.com
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