Enfant, Eugenio Minerva jouait avec les pierres de taille en tuf et les outils de travail de son grand-père maçon, Othello. C’est en l’imitant qu’il a développé sa passion pour l’architecture, qu’il déploie ici en bord de mer. Tout en parle le langage simple et sec : les couleurs, les matériaux et les finitions. L’alliance du bois et de la pierre calcaire, le contraste entre le verre, la résine et la céramique, ainsi que la prédominance des formes minimalistes… Pour Eugenio Minerva, tout part de la matière.
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Port d’attache
Après avoir étudié à l’université de Camerino, dans la région des Marches, au centre de la Botte, il part en voyage initiatique vers la Californie. À son retour, il s’inscrit à l’Institut universitaire d’architecture de Venise (IUAV), où flotte l’ombre du grand architecte vénitien Carlo Scarpa (1906-1978). Le patrimoine culturel de la Sérénissime et l’effervescence de ses échanges universitaires internationaux achèvent de le convertir à la conception d’une architecture sensible, prodigue d’émotions.





Sa casa Porthole est d’abord une maison des années 1970 dont il faut redéfinir chaque pièce. Le nouveau maître des lieux aménage au rez-de-chaussée le grand salon-salle à manger avec cuisine surélevée – relief du terrain oblige. Derrière le mur délimitant le salon et la cuisine, l’escalier monolithique mène à la chambre au grand hublot (porthole, en anglais) avec sa grande terrasse et sa salle de bains.
« Ce choix d’ambiance marine reflète le contexte. Toujours en fonction du relief, j’ai intégré des volumes simples dans l’espace afin de créer différents environnements. » Ceux-ci se distinguent par leurs surfaces, leurs volumes et leurs couleurs, générant des sortes de scènes d’intérieur avec vues sur l’extérieur. Autre élément clé du projet : son développement vertical, dû à la disposition des pièces et à la façon dont la lumière naturelle se répand.

« Par la clarté, les reflets et les sons perçus, la maison change au rythme de la mer. C’est ce que j’aime ici », confie le maître de maison. La chambre reste son endroit préféré. « Je voulais y faire entrer la culture de la mer, mais aussi, tout à la fois, m’en éloigner. C’est l’endroit le plus caché, le plus silencieux. Il s’agit de mon laboratoire d’idées », confie Eugenio Minerva.
Manifeste du « verticalisme »
Dans tous ses projets, la géométrie simple, les jeux d’ombre et de lumière déterminent un style. L’architecte se révèle également styliste, dont la palette s’allie aux volumes des pièces pour « équilibrer l’humeur ». Et il est vrai que les matières naturelles utilisées – comme le grand îlot de la cuisine en travertin couleur noyer ou l’armoire murale en chêne – apportent une ambiance apaisante.

La salle de bains, contiguë à la chambre, est quant à elle inspirée de celles des bateaux. L’impression d’intimité qui s’en dégage est d’ailleurs renforcée par le mariage de la résine blanche utilisée pour les murs et du chêne du plafond ou par les lattes en teck du receveur de douche.
Quand on lui demande de décrire la maison en un mot, l’architecte répond « verticalisme ». Cette expérience, telle un manifeste, le visiteur l’éprouve une fois passé l’entrée, puis la porte cintrée de l’escalier, d’une blancheur immaculée, nimbé d’une lumière zénithale. À l’étage, il ne reste plus qu’à pousser la porte du hublot pour écouter le bruit de la mer sur la grande terrasse.


Ou d’accéder, grâce aux poignées en fer fichées dans le mur d’à côté, au toit terrasse de la demeure. Pour son architecture de la villa Savoye, Le Corbusier évoquait la « lente progression vers la lumière ». Sauf qu’ici, il y a le ciel, le soleil et la mer en prime.
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