Une fraîcheur vintage : Casa Bonay est un oxymore enthousiasmant. « Notre règle n° 1 a été de conserver tout ce qui pouvait l’être », assure Inés Miró-Sans. La cofondatrice trentenaire du dernier hôtel à la mode de Barcelone est si décontractée dans son jean slim qu’on la prendrait volontiers pour une étudiante en architecture. Cette Barcelonaise pure souche a plutôt une formation de marketing et de management, mais a toujours évolué au sein d’une communauté de créatifs, puis est passée par la case Ace Hotel, à New York, le modèle de référence absolu des boutique-hôtels nouvelle génération. Une expérience dont elle a retenu le meilleur : l’ambition de faire de Casa Bonay une plateforme pour les talents locaux sans en faire pour autant un repaire de hipsters. Excellente nouvelle.
Ouvert fin février après trois années de travaux et de joyeux brainstormings entre amis, cet établissement de 67 chambres a offert une seconde vie à un immeuble néoclassique construit en 1869 sur la Gran Via, à moins de dix minutes à pied d’El Born, de Poble Nou ou de Passeig de Gràcia. Sous la direction artistique de Studio Tack (Brooklyn), le bâtiment a été rénové avec une véritable affection portée à la structure historique. Côté design, tout est à « 100 % produit à Barcelone ». Pas de nostalgie figée ici, même si un délicieux parfum slow life sixties émane des iconiques fauteuils en rotin Salvador de Miguel Milá. Récemment réédités par les Barcelonais d’AOO (Altrescoses Oltrascosas Otherthings), ces assises donnent un esprit lounge à la fois nonchalant et raffiné au bar à cocktails Libertine, éclairé par le lustre Cirio d’Antoni Arola (Santa & Cole). Casa Bonay n’est pas un hôtel luxueux au sens classique, onéreux et souvent ennuyeux du terme, mais il offre une succession de petits luxes reconsidérés qui répondent parfaitement aux attentes d’expériences nouvelles de la génération Y. Pouvoir marcher pieds nus sur des carreaux en ciment Nolla d’époque et impeccablement conservés en est un, et non des moindres. Toutes les chambres, meublées sobrement de petites tables et de buffets bas créés spécialement par Marc Morro (cofondateur d’AOO) et de lits doubles avec couvertures tissées à la main par Teixidors, sont baignées de lumière naturelle. Les hôtes les plus chanceux ont même droit à une véranda ou à une terrasse privée avec chaises longues donnant sur l’une de ces successions de cours intérieures si caractéristiques du quartier de l’Eixample.
Luxe ultime
Sous le porche, les plantes en pots encadrant l’ancienne loge du portier reconvertie en kiosque pour l’éditeur indépendant Blackie Books semblent avoir été cajolées par des voisins bienveillants. On se sent chez soi, mais ailleurs : le luxe ultime. « Parallèlement au design, l’une des choses vraiment importantes chez Casa Bonay, c’est la gastronomie », poursuit Inés Miró-Sans. Pour les clients de l’hôtel comme pour les locaux qui ont déjà adopté cette nouvelle adresse, un choix, cornélien et forcément locavore, est à opérer entre les cafés et les sandwichs de Satan’s Coffee Corner, les jus pressés à froid de Mother ou la cuisine inventive du chef Estanislao Carenzo, du restaurant Elephant, Crocodile, Monkey. Un chef qui a également élaboré une courte carte world comfort food, servie sans interruption de midi à minuit pour Libertine. Il a aussi mis au point celle de Têt, sorte de restaurant pop-up d’inspiration vietnamienne fonctionnant quotidiennement à l’heure du déjeuner. « Casa Bonay est le point de convergence de ce que tous ceux qui ont participé à sa création aiment et veulent voir se développer, ici, à Barcelone », résume Inés Miró-Sans. Comment dit-on déjà « Je suis un Barcelonais » en catalan ?