IDEAT : Vous êtes née dans le Sud de la France et pourtant vous avez l’âme d’une Londonienne…
Camille Walala : Ca fait presque vingt-cinq ans que j’habite à Londres ! J’y suis venue, forcée par mon père, pour y apprendre l’anglais. Au départ, je devais rester trois mois… mais je n’ai jamais refait mes valises ! Chez moi, dans l’Aveyron, je détonnais avec mes tenues colorées et ma dégaine. A Londres, les regards se sont détournés de moi car ici, chacun est libre d’être qui il veut.
Est-ce pour cela que votre art s’affiche largement dans les rues de Londres et pas encore à Paris ?
Londres est une ville merveilleuse. Il y fait souvent froid, gris, et pourtant les Anglais ne perdent jamais leur sourire et mènent des vies hautes en couleurs – au sens propre, comme au figuré ! Ici, mon univers se fond dans le paysage et apporte une énergie communicative qui ne choque personne. A Paris, malheureusement, il détonnerait trop. La ville est trop consensuelle et ça se ressent au niveau de son bâti contemporain. Les architectes utilisent du verre, de l’acier… La couleur, la joie, c’est pas leur truc. Et puis surtout, je n’ai jamais été encore invitée !
Lego vous a donc invité à mettre en scène sa nouvelle gamme baptisée « Dots ». Pourquoi ?
« Dots » est une gamme complémentaire des Lego « classiques ». De toute petite taille et de forme ronde, carrée ou en « part de pizza », la collection s’étale sur une trentaine de coloris et est vouée à décorer des objets comme des bracelets, des cadres et des petites pièces de décoration. « Dots » encourage les enfants (et les plus grands !) à laisser libre cours à leur imagination, à créer et re-créer sans cesse. Lego m’a approchée car nos univers sont très semblables : nous aimons nous amuser avec les formes et les couleurs, sans contrainte et sans limite. Cette idée d’une créativité débridée m’a séduite et m’a donnée l’idée de la « House of Dots », une maison où tout est recouvert des nouvelles briquettes Lego ! Un vrai challenge pour moi et mon équipe – que j’ai du agrandir pour l’occasion car je travaille d’ordinaire en binôme avec Julia Jomaa –, plutôt habitués à voir les choses en 2D. Nous avons donc imaginé une structure de deux étages où chaque pièce est habitable et possède son vrai univers. J’en suis très fière !
Il n’y a aucun « vrai » objet dans cette maison. Imaginer du mobilier vous a-t-il donner envie de renouveler l’expérience ?
Fauteuils, lampes, tables, tapis… Nous avons tout créé au sein de cette maison, y compris la piscine ! Pour autant, je ne me vois pas commercialiser une gamme à mon nom. Les contraintes du secteur m’effraient. En revanche, l’art de la collaboration et de l’échange de compétences me passionne. Je suis constamment à la recherche de partenariats vertueux, alors pourquoi pas une ligne de mobilier ?! J’adorerais aussi faire plus de projets d’architecture, notamment pour apporter ce côté joueur qui lui manque cruellement à mon sens…
Quel futur pour la House of Dots ?
Il est peut-être question de l’exposer à Copenhague, dans le pays d’où est originaire Lego. D’une façon générale, j’adore quand mes projets s’internationalisent, à l’image de la Walala Mansion, une ville géante gonflable aux allures de fête foraine qui a investi le Victoria Park de Hong Kong après un passage à Londres en 2017.
Quel est pour vous le vrai but de votre art ?
J’adore collaborer avec des marques, mais ma mission première reste d’embellir la ville. L’urbain est ma cour de récré. J’ai débuté ma carrière en peignant illégalement des murs dans Londres. Puis j’ai cherché à tout prix à décorer une façade d’immeuble (son « Dream Come True » building est visible à côté de Old Street Station, dans le quartier de Shoreditch, NDLR). Depuis, j’ai décoré un hôtel, recouvert des passages piétons, d’autres façades à New York, en Australie… Plus récemment, on m’a confié une station-essence dans l’Arkansas, aux Etats-Unis. C’était dingue ! C’est une vraie fierté pour moi d’afficher mes couleurs dans des lieux aussi divers et d’aider à illuminer la vie des gens. A quand Paris ? Je me verrais bien rhabiller une station de métro… Ceci est une proposition officielle !
Des projets pour 2020 ?
Me reposer ! Le projet avec Lego a été un vrai challenge, aussi créatif que physique car je participe au montage de tous mes projets. Je pars donc me ressourcer au Mexique d’ici peu… En fait, j’y vais aussi pour travailler car j’ai récemment collaboré avec un magazine qui fête ses 20 ans. Ensemble, nous allons célébrer la couverture que j’ai imaginée pour eux. J’aimerais aussi étendre mon réseau sur place. Le Mexique est un pays qui me ressemble beaucoup. Il est haut en couleurs, chaleureux, vibrant… J’adorerais apposer ma patte là-bas. Et puis 2020 sera aussi l’expérimentation d’une façon différente de travailler. Jusqu’ici, je répondais aux sollicitations. Cette année, j’ai pour objectif de travailler autour de problématiques qui me tiennent à cœur comme la typologie de la fontaine et de la piscine, publique ou privée. Quand un projet sera modélisé, je partirai à la recherche d’un partenaire. Je ne sais pas si c’est comme cela qu’on procède dans ce milieu… Mais ça sera le Walala Way !
> La collection Lego Dots sera disponible à partir du 1er Mars 2020.
> La House of Dots par Camille Walala est ouverte au public les 1er et 2 février 2020.