Bruxelles
La floraison urbaine

Musée du design ou de la culture 2.0, restaurants locavores, ateliers-boutiques, concept-stores : à Bruxelles, les ouvertures sont incessantes. La capitale de l’Art nouveau est devenue celle d’un nouvel art de vivre… et de créer. Sans prétention.

Il y a encore une quinzaine d’années, les guides consacrés à la Belgique recommandaient de ne pas s’attarder à Bruxelles. L’invitation au voyage se résumait au Manneken-Pis, à la Grand-Place et aux boutiques de chocolat. De quoi faire sourire aujourd’hui, alors que la ville est devenue une mine de talents émergents, qui fourmille de galeries, de tables créatives, de collections privées, de boutiques inventives et de nouveaux musées. Sa réputation de cité qui ronronne, l’ancienne capitale du Brabant la doit sans doute à son histoire complexe. Annexée par la France de Napoléon puis par les Pays-Bas jusqu’à l’indépendance de la Belgique en 1830, elle a longtemps peiné à trouver son identité. Wallonne ? Flamande ? Un peu des deux… Ce n’est qu’en 1989 que naît son statut officiel : Bruxelles-Capitale, une ville-région bilingue, constituée de dix-neuf communes. Bruxelles est donc une late bloomer, une fleur qui a pris le temps d’éclore. « La ville est désormais une plaque tournante de l’art et de la création. C’est le résultat d’une politique d’aménagement du territoire et de développement culturel très poussée », constate  Karine Lalieux, l’échevine chargée de la Culture de la Ville. « Chacun peut développer ici son art en toute liberté, dans une grande ouverture d’esprit, car les Belges ont une tendance naturelle à la modestie et au respect de l’autre », précise-t-elle. Le coup d’envoi a été donné en 2000, lorsque Bruxelles s’est hissée au rang de Capitale européenne de la Culture. Depuis, son potentiel de séduction n’a cessé de s’aiguiser. Cela explique que, de 2003 à 2007, les nuitées hôtelières soient passées de 4 à 7 millions par an et que l’on en attende 10 millions d’ici 2020. Ville, région et habitants – même si de nombreuses initiatives restent privées – s’emploient à créer toutes les conditions d’un foisonnement culturel. « Mon budget pour la culture augmente chaque année », conclut Karine Lalieux dans un large sourire. Bientôt, le musée de la Ville de Bruxelles sera entièrement repensé. Déjà, l’ADAM (Art & Design Atomium Museum) a ouvert en décembre dernier avec pour collection permanente celle du Plasticarium, un ensemble d’environ deux mille objets design en plastique, majoritairement des années 50 à 70, racheté au passionné Philippe Decelle. En mars, ce sera au tour du MIMA, le Millenium Iconoclast Museum of Art, d’ouvrir ses quelque 1 000 m2 d’espaces d’exposition. Et puis on dépoussière l’ancien. À la rentrée 2016, le célèbre Théâtre royal de la Monnaie rouvrira après un an de rénovation, avec une scène plus performante, des équipements actualisés et une salle sublimée… Devant de telles mutations, comment ne pas avoir envie d’aller vivre à Bruxelles ? Beaucoup y ont déjà pensé. Des artistes comme les Chinois Weifu et Ruifu Guo, des céramistes comme la Mexicaine Perla Valtierra et des parfumeurs comme son conjoint français Barnabé Fillion font partie de ces citoyens du monde qui peuplent désormais écoles d’art, galeries, ateliers, boutiques et restaurants tendance. Les Français seraient d’ailleurs les étrangers les plus nombreux à résider dans la capitale de l’Union européenne : près de 60 000 sur une population globale d’environ 1,2 million. Cependant, à Ixelles, tout près de la célèbre Maison Horta, dans le quartier dit « international », il n’est pas rare d’entendre parler anglais, italien, espagnol ou allemand autour des longues tablées des brunchs dominicaux. Ces néo-cantines chic s’installent dans des garages ou entrepôts réhabilités et se doublent souvent de boutiques de meubles, BD ou objets design. Car Bruxelles a de l’espace à revendre. C’est même l’un de ses atouts majeurs. Les loyers y sont presque trois fois moins élevés qu’à Paris, et l’accès au logement demeure au cœur des politiques publiques. La flambée des prix, un risque réel dû notamment à la présence de fonctionnaires européens aisés, se voit consciencieusement bridée. Même les initiatives liées à la création vont dans le sens d’un équilibre social.

Terre de design

Fondé en 2011, le MAD Bruxelles, un centre dont la vocation est de promouvoir les designers et stylistes bruxellois (notamment au Salon du meuble de Milan), a lancé « MAD in Situ », un projet offrant à de jeunes créateurs des loyers à prix bas dans des quartiers en développement. L’idée est de favoriser un « design social », c’est-à-dire une synergie entre la création et la vie d’un quartier. Néanmoins le design s’affi che partout
en ville. Les abribus de Xavier Lust, l’auteur de l’Archiduchaise chair, apparaîtront dans les dix-neuf communes au cours de l’année 2016. Déjà, son banc à trous, le Gun Metal Bench, conçu « pour éviter les graffiti et laisser s’écouler l’eau de pluie » (crucial sous ces cieux !) permet aux habitants et visiteurs de se reposer avec style. Bruxelles est donc une terre de design. Ceux qui en douteraient encore peuvent consulter la liste des « Designers de l’année » de la Biennale Intérieur de Courtrai : Alain Berteau, Sylvain Willenz, Nathalie Dewez, mais aussi Alain Gilles ou Marina Bautier. Dans son gigantesque atelier-magasin du quartier de Forest, percé de baies vitrées donnant sur des jardins, cette dernière travaille à des meubles de chêne aux lignes pures. Bien qu’ayant étudié en Angleterre, c’est à Bruxelles, en 2013, qu’elle a lancé sa marque, MA, qu’elle vient tout juste de renommer Bautier. Pourquoi Bruxelles ? « Parce que les gens se déplacent pour voir mon travail, pour me rencontrer, confie-t-elle. Ainsi, je peux vendre en direct et à des coûts bien moins élevés que s’il fallait passer par un intermédiaire. » Pour Alain Gilles, auteur de la Big Table et de la lampe solaire Nomad, Bruxelles est aussi un moteur de créativité. « C’est un peu comme Berlin, une ville entre deux eaux, hétéroclite et pleine d’imperfections, qu’on a envie de transformer. »

L’art moderne les pieds dans l’eau

Étrange, donc, que cette capitale soit l’une des seules au monde à ne pas posséder de musée d’art moderne et contemporain d’envergure internationale. Certes, beaucoup d’initiatives et de collections privées compensent cette grosse lacune. « Bruxelles est une place importante pour l’art contemporain, et en ce sens elle ressemble à Berlin, avec un vaste réseau de galeristes et des collections véritablement fondatrices », analyse Catherine Tsekenis, directrice de la Fondation d’entreprise Hermès, dont l’espace bruxellois La Verrière organise régulièrement des expositions. Pas de musée, donc… Ou plutôt, pas encore. Car Rudi Vervoort, le ministre-président de la région Bruxelles-Capitale, vient de signer le rachat du complexe Citroën, un bâtiment moderniste de 16 000 m2. Le showroom automobile étant encore ouvert, il faudra attendre 2018-2019 pour découvrir le musée, les pieds dans l’eau. Celle du fameux Canal, la prochaine place to be made in Belgium, une zone post-industrielle longtemps délaissée qui commence lentement à reprendre vie. Un nouveau bâtiment passif conçu par les architectes néerlandais Neutelings Riedijk vient d’y être inauguré. Ouvrent aussi des hôtels, cafés et pâtisseries… Et même des studios de designers. Le bouillonnant Charles Kaisin, formé auprès de Ron Arad, Jean Nouvel et Tony Cragg, y a installé depuis quelques années son atelier-appartement. Il faut absolument coller le nez à sa fenêtre (mais ne dites pas qu’on vous envoie !) : son univers est onirique, muséal, chaleureux et arboré, hybride et percutant de vie. À l’image de sa ville.

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Y ALLER

Thalys

Avec 25 liaisons quotidiennes, le Thalys est la solution la plus simple pour rejoindre Bruxelles en moins de 90 min. Dans l’espace Comfort 1, un repas est servi à la place et l’on trouvera une large sélection de presse. Le tarif Flex permet une souplesse d’accès aux trains (sous réserve de disponibilité et sans garantie de place assise, on pourra prendre jusqu’à deux trains avant ou après celui réservé).

Renseignements au : +33 8 25 84 25 97 et sur www.thalys.com

PROFIL EXPRESS

Bruxelles est une ville de paradoxes. Elle est principalement francophone, bien qu’enclavée en Flandre. Et la gestion de ses institutions est parfois compliquée.
> Depuis la fin XIXe – début XXe, époque à laquelle se sont illustrés de grands architectes de
l’Art nouveau (Victor Horta, Paul Hankar ou Henry Clemens Van de Velde…), Bruxelles
bouillonne d’inventivité.
> La population de la région Bruxelles-Capitale est actuellement en forte croissance. Elle est
passée de 1 million d’habitants en 2004 à 1,2 million en 2015. On estime à environ 200 000 le nombre d’expatriés européens.

SE DÉPLACER

> À pied et à vélo. Bruxelles est une petite ville ; même si elle se tourne vers une vie de quartiers plus ou moins excentrés (Ixelles, Saint-Gilles…), rien n’est vraiment loin. Le Villo permet de circuler en toute liberté pour 1,60 € la journée ou 7,65 € les 7 jours (www.villo.be).
> En métro ou en tram, avec la carte Jump 24 h (7,5 €), 48 h (14 €) ou 72 h (18 €).
> Malheureusement, le réseau de métro est limité au centre-ville et bien des Bruxellois
privilégient la voiture, ce qui crée de nombreux encombrements. Pour les visites hors du centre, le taxi (noir à bandes jaunes) est une solution.

SE RENSEIGNER

L’office belge de tourisme Wallonie-Bruxelles est une vraie mine d’informations. Les appels en
direct sont traités avec grande attention.

274, boulevard Saint-Germain, 75007 Paris.
Tél. : 01 53 85 05 20.
www.belgique-tourisme.fr

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