Philippe Starck tout en poésie pour l’hôtel Brach Madrid

Après le Brach Paris, le groupe Evok vient de dévoiler l'opus madrilène de sa collection hôtelière libre et fantaisiste, une réinterprétation mature de son concept original qui place Madrid sur la carte des destinations qui comptent.

« Imaginer un nouveau Brach sans faire une copie de Brach Paris, n’était pas chose facile. Philippe Starck a merveilleusement transcendé l’exercice car on retrouve à Madrid les codes de Brach, adaptés au pays comme on n’aurait pu l’imaginer nous-même tant cette nouvelle adresse est espagnole. On y sent toute l’histoire de la ville et du pays à travers ce bâtiment et ce que raconte le designer dans toute la conception du projet« .  En quelques mots, Emmanuel Sauvage, cofondateur et directeur général du groupe Evok (Nolinksi, Cours des Vosges, Palais Royal Restaurant) balaie nos craintes. Car, presque sept années après son inauguration parisienne, le Brach s’installe à Madrid, pour le plus grand plaisir de la capitale espagnole, en grand manque de boutiques hôtels charmants et chaleureux, digne héritier de son grand-frère parisien sans en être une caricature.


Lire aussi : À Madrid, Emmanuelle Simon imagine une cabine de soin comme un cocon


Un nouveau Brach… enfin !

S’il partage l’esprit et le directeur artistique du Brach Paris, ce nouvel hôtel à Madrid a son ADN propre, gageure que la marque a su rester fidèle à ses valeurs tout en se réinventant. Aux manettes du décor, Philippe Starck, donc, a su laisser grandir en lui l’idée originelle du Brach pour en proposer une version madrilène, plus mature mais tout aussi chaleureuse.

C’est sur Gran Via, le « Broadway » madrilène, dans un bâtiment administratif reconverti en hôtel — quatre années de travaux furent nécessaires —, que s’est installé Brach Madrid. L’édifice, construit entre 1919 et 1922 par l’architecte Jerónimo Pedro Mathet Rodriguez, dévoile une façade de pierre blanche ornée de fenêtres altières et de balcons finement travaillés dans laquelle vécu notamment Victor Hugo, enfant. Son grand escalier en marbre bordé de fer forgé, conservé dans son état originel, est la colonne vertébrale de l’édifice.

La décoration du Brach Madrid est éclectique, à l’image de son grand-frère parisien.
La décoration du Brach Madrid est éclectique, à l’image de son grand-frère parisien. Guillaume De Laubier

Le design comme mémoire vivante

Chaque espace de l’hôtel est une plongée dans une « nostalgie moderne », un concept cher à Starck, où les matières brutes rencontrent une esthétique délicate. Dans le lobby, les murs en carreau de terre cuite évoquent la force tellurique de l’Espagne, les plafonds tressés en similicuir du restaurant contrastent avec les murs lambrissés sur lesquels s’amoncellent une galerie de livres et de bibelots en tout genre, marque de fabrique du Brach. En réalité, rien n’est laissé au hasard : l’architecte d’intérieur raconte, dans les sept étages de l’hôtel, l’histoire d’un homme ayant perdu sa bien aimée. Chaque détail n’en est pas un : il écrit un chapitre de ce roman. Qui est donc cette femme qui apparait en noir et blanc dans le coin d’un miroir ? Que représente cette forme mystérieuse dissimulée sous un œilleton, dans la chambre ?

Philippe Starck, parce qu’il est plus qu’un « simple » ensemblier, a ainsi produit un décor littéraire. « Non pas inspiré par la littérature, corrige Emmanuel Sauvage, « mais dont l’interprétation est laissée libre à chacun« . Qui est donc cette femme qui apparait en noir et blanc dans le coin d’un miroir ? Que représente cette forme mystérieuse dissimulée sous un œilleton, dans la chambre ?

Les souvenirs de cet homme sont compilés dans ce que Philippe Starck appelle ses « bento box », structure de bois qui habille les chambres (et salons des suites).
Les souvenirs de cet homme sont compilés dans ce que Philippe Starck appelle ses « bento box », structure de bois qui habille les chambres (et salons des suites). Guillaume De Laubier

Dans les chambres — elles sont au nombre de 57, dont 4 suites —, on retrouve des têtes de lit en cuir surpiqué autour desquelles s’étend l’itinéraire fantasmé de cet homme dans les régions espagnoles. Les murs sont recouverts d’un papier-peint qui, quand on y regarde de plus près, laisse apparaître des graffitis (des croix, des prénoms, des cœurs…). Des accessoires couleur locale, comme des castagnettes, des éventails et des mandolines sont les fragments d’un passé romantisé.

Brach Madrid : œuvre totale

Le beau a bien sûr droit de cité à l’hôtel Brach Madrid. Les salles de bain, élégantes avec leur sol en brèche, roche précieuse, leur miroir théâtral au cadre XXL en émail d’un vert mousse. La plupart des meubles ont été dessiné par Philippe Starck bien qu’ici, à la différence de Paris, le designer ait aussi eu recourt à des pièces vintage pour apporter un supplément d’âme, à la demande d’Emmanuel Sauvage.

Le restaurant du Brach.
Le restaurant du Brach. Sadik Sans Voltaire

Le restaurant du Brach Madrid évoque quant à lui les cafés madrilènes des années 1920, hauts lieux de la liberté artistique. Des murs lambrissés d’acajou, des colonnes en terre vernissée et des miroirs inclinés capturent une atmosphère tamisée et élégante. Une fresque spectaculaire d’Ara Starck, suspendue au-dessus d’un comptoir en bois sculpté, complète ce tableau poétique.

Le spa, nommé La Capsule, est un espace de 400 mètres carrés drapé de blanc (les tenues des praticiennes ne font pas exception). Comme si l’on pénétrait dans l’univers d’un Twin Peaks enneigé, un long couloir feutré éclairé de lampes précieuses rasant le sol mène jusqu’aux différents espaces : piscine, bain glacé, sauna infrarouge et caisson hyperbare…

La Capsule donne à voir une autre facette du talent de Philippe Starck, et incarne l’énergie avant-gardiste de ce lieu rare à Madrid.
La Capsule donne à voir une autre facette du talent de Philippe Starck, et incarne l’énergie avant-gardiste de ce lieu rare à Madrid. Fanny Liaux Gasquerel

> Hôtel Brach Madrid. Gran Vía, 20, Centro, 28013 Madrid. Site internet.


À lire aussi : Hôtel déco : À Paris, Starck Brach le XVIe