« After Ago est une ode à une arche, un hommage à une ville, une élégie d’âmes perdues, toutes converties en objets de fantaisie émotionnelle, évoquant la fonctionnalité tout en restant intemporelle et sculpturale », c’est ainsi que Richard Yasmine, architecte d’intérieur et designer libanais décrit sa création.
Beyrouth est la muse de Richard Yasmine
« Beyrouth était, est, et restera toujours dans mon esprit. C’est peut-être ma muse emblématique, mon inspiration ultime. Je crois que pour la plupart d’entre nous, les Libanais, et autres créatifs du Moyen-Orient, nous sommes tous sensibles à sa beauté et ses contrastes énigmatiques » poursuit le designer, qui n’a pas attendu le drame du 4 août pour rendre hommage à sa cité. « Chaque objet, design et concept que je crée est une sorte d’invitation au voyage, à la découverte de mon Beyrouth. Je tiens à refléter son histoire sociale et culturelle diversifiée. Je suis vraiment soucieux de montrer une représentation dynamique de ma ville. Après l’explosion du 4 août, j’ai été invité à participer à 5vie Milano, et à créer un message d’espoir et de résilience via mon travail, et c’est ainsi qu’After Ago est né. »
Le résultat donne lieu à une série de pièces usuelles, allant de l’assise à l’étagère, en passant par la table, le plateau et le vase, aux allures sculpturales et monolithiques. Inspiré par le Postmodernisme, le mouvement Memphis ou encore l’Art Déco et le Brutalisme, After Ago emprunte aussi à l’architecture de la cité, à travers la forme de l’arche. « Elle est un élément architectural important et une caractéristique intéressante dans nos maisons traditionnelles, car la culture, la civilisation et l’architecture de la ville ont été influencées par les Romains, les Byzantins, les Ottomans, les Français et les Italiens… » explique le designer.
Alter Ego : une collection qui incarne la fascinante énergie de la ville
Côté matériaux, si Richard Yasmine aime en temps normal « travailler avec des matières nobles et naturelles », il a choisi pour After Ago « quelque chose de brut avec une sorte de textures inachevées pour donner une impression de modestie ». Pour ce faire, il a aussi bien utilisé la mousse, le plâtre de béton léger, l’acrylique que le grès et l’argile. « J’ai travaillé sur plusieurs prototypes pour voir ce qui conviendrait au concept, sachant que je ne voulais pas avoir de poids très lourds à la fin, et c’est ainsi que j’ai décidé de procéder avec ces matériaux, avec les rayures acryliques noires peintes à la main. »
Chaque pièce est en effet ornée de ces fameuses rayures noires et blanches. « Elles traduisent une illusion dramatique du chaos interne et spatial. La couleur noire est mystérieuse, elle est associée au futur inconnu, au passé indésirable ou triste. Tandis que le blanc est considéré comme la couleur de la sérénité et de la sécurité. Le noir emprisonne l’espace, tandis que le blanc l’ouvre. Le noir évoque la sophistication, le blanc communique l’innocence et les débuts renouvelés. »
Le créateur précise que chaque objet incarne aussi une oxymore émotionnelle : « triste/heureux, fou/sain d’esprit, anxieux/calme, mort/vie, haine/amour », à l’image de « l’histoire fascinante de ma ville Beyrouth avec ses multiples vies et couches, à travers les siècles et après chaque catastrophe, qui renaît toujours de ses cendres, aspirant à la vie éternelle. »