Commandée en 1962 par le président libanais Fouad Chéhab à l’architecte brésilien Oscar Niemeyer, qui venait tout juste de livrer Brasilia, la foire internationale Rashid Karameh de Tripoli est une des manifestations exemplaires de l’architecture moderniste au Liban, ainsi que l’un des cinq plus vastes espaces d’exposition au monde. « Le lieu n’a jamais été officiellement fini. Il y a eu une préinauguration en 1974, la foire devait accueillir quotidiennement 15 000 visiteurs et puis la guerre (de 1975 à 1990, NDLR) est arrivée », explique la curatrice Karina el-Helou.
Tout s’est figé en l’état et, aussi incroyable que cela puisse paraître, les bâtiments sont restés quasiment intacts. Occupés par des milices à une époque, ils sont aujourd’hui fermés au public, sauf autorisation spéciale, et l’éventualité d’un classement au Patrimoine mondial de l’Unesco est toujours en suspens. C’est dans ce cadre unique – et naturellement en interaction avec lui – que Karina el-Helou et sa co-curatrice Anissa Touati ont dévoilé l’exposition « Cycles of Collapsing Progress », organisée par le BeMA, le futur Beirut Museum of Art.
Dix œuvres créées spécifiquement pour le site par des artistes libanais et mexicains offriront une vision contemporaine de l’utopie, ce puissant moteur du progrès dans les années 60. « L’idée n’est pas d’être nostalgique mais de faire un état des lieux. Et, surtout, de montrer les autres facettes du progrès en 2018, quand tant d’artistes travaillent aujourd’hui sur l’anthropocène [une phase l’histoire de laTerre qui a débuté fin XVIIIe, lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre, NDLR] », poursuit Karina el-Helou. Une expérience extraordinaire en perspective.
> « Cycles of Collapsing Progress ». À la foire internationale Rashid Karameh de Tripoli, jusqu’au 23 octobre. www.bema.museum