Un biome désigne un écosystème à très grande échelle : la forêt tropicale, le désert ou le récif coralien, par exemple. C’est le nom choisi par les deux paysagistes trentenaires et engagés Johan Picorit et Ambroise Jeanvoine pour baptiser l’atelier qu’ils ont créé en 2019. Ardents défenseurs de la biodiversité, ils ont ainsi fondé l’Atelier Biomes, plaçant les questions écologiques au cœur de leur pratique.
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Amoureux du vivant
« Répartis tout autour du globe, les biomes forment une sorte de jardin planétaire en constant mouvement. Du sol à la graine, du ver de terre à l’oiseau, tous font partie d’un écosystème fragile qu’il convient de protéger pour préserver cette immense biodiversité », expliquent-ils pour résumer le fil conducteur de leur travail.

Leur rencontre avec le paysage s’est nouée dans l’enfance: la pratique du cerf-volant dans les champs avec son frère pour Johan, les balades dans le maquis varois à ramasser des pommes de pin pour Ambroise. Des souvenirs fondateurs d’une vie en plein air, au contact avec la nature et les éléments : le premier sur le littoral vendéen, le second au pied des montagnes jurassiennes.
Le bac en poche, leurs chemins se croisent au Lycée des métiers de l’horticulture et du paysage de Montreuil, lors d’une rencontre en 2014 entre arrivants et sortants de classe prépa au concours d’entrée des grandes écoles de paysage. Johan intégrera l’École nationale supérieure de paysage de Versailles, Ambroise, celle de Lille l’année suivante.

Depuis, leurs vies privées et professionnelles s’entremêlent en Haute-Vienne où ils se sont installés, région qu’ils ont choisie pour sa ruralité. « Nous souhaitions créer une agence tournée vers le paysage rural et nous extraire du modèle de centralisation de celles dans les grandes villes », expliquent-ils.
Ils ont d’abord fait leurs armes chez leurs aînés, où ils ont appris le métier, mais ont vite eu envie d’en découdre : « La façon de créer du paysage dans les studios où nous travaillions ne nous comblait pas pleinement, nous avions la volonté de le faire comme nous l’entendions. »
Encourager la biodiversité
En 2019, Au milieu, le ruban est le premier projet de l’Atelier Biomes, réalisé dans le cadre du Festival des jardins de la Saline royale d’Arc-et-Senans (25). Un hommage à Max Yasgur, modeste paysan qui accueillit le festival Woodstock sur ses terres.

Un jardin Flower Power, où les prairies fleuries et colorées accueillent une structure circulaire en bois en son cœur, point de ralliement des visiteurs. Mais dans l’histoire de l’Atelier Biomes, il est une date qui compte un peu plus que les autres. Être récompensé au Festival international de jardins de Chaumont-sur-Loire est un peu le Graal de tout paysagiste.
En 2022, le duo y remporte le prix du Jardin transposable avec son Jardin des nymphes, qui puise son inspiration dans les souvenirs d’enfance du duo : « Ce jardin éphémère est l’occasion de redécouvrir l’importance des insectes et des petits animaux, qui sont de véritables auxiliaires jardiniers, une aide invisible qui accomplit de grandes choses. »

Nés dans les années 1990, Johan Picorit et Ambroise Jeanvoine font partie de cette génération très concernée par l’état de la planète. Les questions écologiques sont centrales dans leur travail, chaque création étant saisie comme l’opportunité de « favoriser et de renforcer les relations écosystémiques, le tout empreint de bon sens », façon légende du colibri, où chaque petit geste compte.
Autre projet fondateur, Nébula fut réalisé dans le cadre d’une résidence artistique, au centre culturel des Dominicains de Haute-Alsace. Un jardin qui marque l’entrée du couvent, un passage dans un ailleurs. « On nous a accordé une totale confiance alors que nous étions dans l’expérimentation. Nous avons développé un concept lié au travail de la volige (arceau en bois, NDLR), qui est aujourd’hui la signature de l’atelier. »

Ils admirent le paysagiste Piet Oudolf, notamment le jardin qu’il a réalisé sur la campus Vitra, à Weil-am-Rhein, en Allemagne, « remarquable en termes de diversité et de densité de plantations. À la fois simple et efficace », résument-ils.
Le Néerlandais a ouvert la voie et libéré la discipline, tout comme son homologue Gilles Clément : « On accorde de l’importance à la diversité, à la densité et à l’association des plantes entre elles. En résultent des jardins qui vivent. »

Tous deux souhaitent que le métier de paysagiste, souvent dans l’ombre, soit mieux reconnu, « au même titre que d’autres, tels que médecin ou avocat ». Et, pourquoi pas, qu’il soit déclaré « d’intérêt public ».
Que sa contribution essentielle pour endiguer le déclin de la biodiversité de cette planète soit valorisée, tout en restant humble. « La nature fait si bien les choses, pourquoi la contrarier? Comprendre son fonctionnement et s’en imprégner, voilà la clé pour créer des paysages d’avenir en toute modestie. »
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