100 ans de l’Art déco : une épopée internationale, de Paris à San Francisco

100 ans après sa naissance officielle en 1925, l’Art déco continue d’inspirer designers, collectionneurs et amateurs de luxe et de géométrie maîtrisée. De Paris à Mumbai, de Jean-Michel Frank à Eileen Gray, ce style légendaire conjugue épure, fonctionnalité et audace décorative.

En se penchant sur un siècle d’Art déco, on découvre un ensemble de créateurs et de collectionneurs qui, par passion du beau, ont tourné le dos à l’ornement pour une vraie fausse épure où luxe, calme et volupté se vivent au quotidien.


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Naissance et apogée de l’Art déco à Paris, 1925

D’avril à octobre 1925, à Paris, l’Art déco connaît son apogée grâce à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes. Cette date sera d’ailleurs retenue comme celle de la naissance du style Art déco. Un mouvement qui remonte en réalité plus loin : en 1912, Jacques Doucet vend son mobilier datant du XVIIe siècle et achète des œuvres Art déco.

Sur le quai d’Orsay, la porte-enseigne de l’Exposition de 1925, haute de 20 mètres, est l’œuvre de l’architecte Louis-Hippolyte Boileau.
Sur le quai d’Orsay, la porte-enseigne de l’Exposition de 1925, haute de 20 mètres, est l’œuvre de l’architecte Louis-Hippolyte Boileau.

En 1913, les frères Perret livrent le premier immeuble de ce style, le Théâtre des Champs-Élysées, avenue Montaigne, à Paris (VIIIe). Quant à Jeanne Lanvin, elle se voit confier, en 1921, la décoration du Théâtre Daunou, où elle fait appel à Armand-Albert Rateau, maître de l’Art déco, qui popularise les pieds de siège en X et les laques géométriques.

Autre création phare : le flacon du N° 5 de Chanel (1921), dont la légende maison raconte qu’il fut choisi pour son esthétique épurée, en réaction aux arabesques orientalistes des flacons Guerlain. Lors de l’exposition, six millions de visiteurs découvrent l’architecture, la décoration intérieure et la mode des Années folles. Les pavillons nationaux rivalisent d’élégance, valorisant le savoir-faire des différents pays.

Les créateurs qui ont marqué l’Art déco

L’Art déco supplante l’Art nouveau, imposant l’ordonnancement maîtrisé des formes et volumes. Une clientèle aisée fréquente les salons professionnels et les boutiques spécialisées, tandis que les grands magasins comme Pomone au Bon Marché développent des ateliers pour le mobilier et les objets décoratifs. Le style s’accompagne d’un dépouillement chic, inspiré par Jean-Michel Frank et les influences coloniales : des éléments plastiques africains et asiatiques sont intégrés dans les créations.

Affiche de l’exposition réalisée par le dessinateur Robert Bonfils.
Affiche de l’exposition réalisée par le dessinateur Robert Bonfils.

En parallèle, les échanges internationaux s’intensifient. L’architecte Gio Ponti rencontre Tony Bouilhet lors de l’Exposition internationale, construisant pour lui la villa L’Ange Volant à Garches. Le mouvement suédois Swedish Grace reflète également cette hybridation entre Art déco, néoclassicisme et style gustavien.

Impossible de nier l’importance du réseau de créateurs parisiens : Eileen Gray, Robert Mallet-Stevens, Pierre Chareau, Armand-Albert Rateau ou Jean-Michel Frank façonnent des intérieurs iconiques. La redécouverte du mouvement en 1966 avec l’exposition « Les Années 25 » au musée des Arts décoratifs popularise enfin le terme Art déco.

Costumes de scène présentés durant l’exposition « Les Années 25 » au musée des Arts décoratifs, à Paris, en 1966.
Costumes de scène présentés durant l’exposition « Les Années 25 » au musée des Arts décoratifs, à Paris, en 1966. léon auguste / musée albert kahn

À l’international, les collectionneurs et milliardaires tels que Templeton Crocker à San Francisco ou le maharaja d’Indore font rayonner l’Art déco à travers leurs demeures et palais. Aux États-Unis, la collection d’Andy Warhol regorge d’objets Art déco, tandis que le fauteuil aux dragons d’Eileen Gray, adjugé lors de la vente d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé en 2009, atteint 21,9 millions d’euros. L’Art déco reste une histoire de passionnés et de mordus du design, un siècle après sa naissance.

> Image en une : Le pavillon « La Maîtrise » des Galeries Lafayette et son imposante façade en marbre, conçus par les architectes Jean Hiriart, Georges Beau et Georges Tribout. © Les Arts décoratifs


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