Au Musée des Arts Décoratifs, François Azambourg, ou le design de la sobriété heureuse

Du 9 mars au 2 juillet 2023, le designer français François Azambourg s’invite au Musée des Arts Décoratifs, le temps d’une rétrospective d’envergure. Légèretés manifestes présente près de 200 pièces : l’occasion de se plonger dans le parcours singulier de ce designer très en avance sur son temps qui, dès le départ, a intégré des notions d’économie dans son travail, bien avant que l’écologie ne devienne une prise de conscience générale.

La légèreté. Un titre mais aussi un concept qui habite et traverse depuis toujours l’univers créatif de François Azambourg, et ce à travers plusieurs aspects de son travail. Une rétrospective lui est actuellement consacré au Musée des Arts Décoratifs de Paris.



«La légèreté, c’est aussi la musique qui est un monde aérien, qui m’a passionné depuis toujours». À l’âge de 20 ans, François Azambourg conçoit une nouvelle version du saxophone, inspiré du monde de l’aviation, qu’il connaît car issu d’une formation technique et mécanique. « Cet univers m’a appris des notions de rendement, d’économie de moyens et des notions de sobriété.»

«Le moule symbolise pour moi le monde dans lequel nous sommes, celui d’un monde de reproduction et j’interroge cette notion : pourquoi en faire un et comment ? Est-il nécessaire ? Comment faire pour qu’il ne coûte rien ? (…) C’est ce que j’ai fait à travers ma collaboration avec le CIAV (Centre international d’Art Verrier), où j’ai produit un moule extrêmement sommaire, avec une boîte en bois. On s’aperçoit que l’on peut régénérer des choses en toute simplicité.» Un procédé simplissime, qui a donné naissance au vase Douglas en 2020.

François Azambourg. Chaise Pack «loupée». Automne 1999.
François Azambourg. Chaise Pack «loupée». Automne 1999. François Azambourg

Autre pièce étonnante qui explore la notion de moule, voire son absence, la chaise «Pack», née en 1998. Pour la réaliser, le designer verse dans une structure de tissus de la mousse de polyuréthane rigide expansive à deux composants. Un procédé qui offre à la pièce deux statuts, «d’abord celui d’un moule, puis d’une chaise 100% textile» , explique-t-il.

L’intemporalité

«La notion de légèreté pose aussi la question de l’écriture, du style, du design, de la forme, du contour de la pièce, les courants de mode. Je m’en suis débarrassé. Et c’est assez amusant, car sur ce parcours vaguement chronologique et thématique, il y a des pièces qui ont 20 ans d’écart, et on ne s’en aperçoit pas !»

« Parmi les pièces exposées, il y en a beaucoup qui ont été acquises par le MAD. La dernière en question est ce fauteuil en châtaignier fendu, teinté à la suie de bois. Il pèse lourd, mais la légèreté va s’y exprimer, dans l’atelier, lors de sa fabrication. Il pose la question de la transformation. Historiquement, avant les scies, le bois était fendu. La vertu de cette pratique est multiple : pas de production de poussière donc pas de maladies qui vont avec, et comme on ne martyrise pas les fibres, le bois est plus résistant, et reste étanche. Cette pièce est assez lourde, mais elle a une part de légèreté car elle apporte une part de réflexion sur comment produire, sans produire beaucoup de déchets et de chutes

Une scénographie pas comme les autres

François Azambourg, Lampe Inga, 1999 (date de création), 2015 (date du modèle). Sycomore tourné, source LED © Les Arts Décoratifs
François Azambourg, Lampe Inga, 1999 (date de création), 2015 (date du modèle). Sycomore tourné, source LED © Les Arts Décoratifs Christophe Delliere

« Beaucoup de choses changent à ce niveau depuis quelques années, mais il fut un temps où une scénographie durait trois à six mois et elle était jetée. Pour cette exposition, nous souhaitions réemployer de la matière existante sur place, pour faire une scénographie légère et à l’impact environnemental le plus sobre possible et à tous les niveaux», explique Cloé Pitiot, co-commissaire d’exposition.

« Nous avons réemployé des plaques de médium très fines, mises au sol lorsque nous avions accueilli l’école Camondo pendant la période Covid, dans l’espace où sera présentée l’exposition. Et François a eu l’idée de prendre ces plaques, les retourner et de les fixer avec des tasseaux de bois et de construire des tables, ce qui est assez innovant.»

La co-commissaire souligne aussi la présence importante des prototypes sur le parcours : «Nous avons beaucoup d’essais, de prototypes, car il ose aussi montrer les ratés. Nous sommes dans une société qui a peur de montrer les loupés, et il fait preuve ici d’une grande humilité dans ses projets. Il montre que ça n’a pas fonctionné comme il voulait, mais que cette démarche a ouvert des portes, et lui a permis d’aller vers d’autres projets et c’est toute cette démarche, sobre, humble, joyeuse et belle que je voulais exposer.»

En avance sur son temps

« Ce qui me frappe depuis le début, poursuit Cloé Pitiot, c’est cette dimension de la sobriété heureuse. Nous sommes dans une ère qui a beaucoup changé depuis quelques années, et nous sommes dans la culpabilité d’acheter un objet, parce qu’un objet de plus va dépenser de l’énergie, et va grignoter votre planète, tout le monde connaît cette culpabilité liée à l’environnement.»

« François Azambourg apporte des solutions heureuses en disant que nous sommes dans un monde qui est celui d’aujourd’hui, un peu complexe, mais qu’il est possible de se pencher sur la synergie, entre production, climat, richesses données par notre planète, et de faire dialoguer cela de façon intelligente. Et c’est assez rare d’avoir des designers qui vont aussi loin dans ce questionnement.»

> «Légèretés manifestes, François Azambourg designer», du 9 mars au 2 juillet 2023 au Musée des Arts Décoratifs à Paris https://madparis.fr

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