Contrairement à nombre de leurs confrères et consœurs, Léonard Lassagne (né en 1982) et Colin Reynier (né en 1980) ne se sont pas rencontrés sur les bancs de l’école mais chez Christian Hauvette (1944-2011), où ils ont travaillé pendant plusieurs années.Chez ce grand architecte français, ils ont tout appris et ne se sont plus quittés depuis. Ils y ont puisé les fondations de leur pratique : la rigueur absolue du dessin et la nécessité impérieuse de bien construire. Une solide formation à l’école de l’exigence intellectuelle devenue leur meilleure arme pour créer leur agence en 2010 à Paris. Ainsi est née DATA…
Ce nom a très vite circulé parmi la liste des agences françaises à suivre de près… Pourtant, pas de coup de pouce des AJAP, décernés par le ministère de la Culture, pas d’usage à outrance des réseaux sociaux – qu’ils délaissent totalement – et un mentor parti bien trop tôt pour leur tenir la main. Mais parfois, seul le talent suffit. Léonard Lassagne et Colin Reynier appartiennent à cette génération de jeunes architectes qui n’a jamais connu les grandes heures de la commande publique et pour qui travailler avec le privé ne signifie pas vendre son âme.
Pour DATA, pas de nostalgie anachronique, l’essentiel est d’avancer et de composer avec une conjoncture donnée, dans la vie professionnelle comme dans les projets : « Notre attitude est décomplexée. Nous sommes sans a priori sur les situations et l’environnement des projets auxquels nous sommes confrontés. Nous essayons d’en identifier puis d’en explorer les contraintes fondamentales selon deux attitudes à notre avis complémentaires : l’une résolument enthousiaste et optimiste (utopique), et l’autre concrète et critique ( pragmatique). » Difficile d’être plus limpide. À l’image de cette direction bicéphale, leur architecture est efficace et tenue, sans jamais verser dans l’austérité.
Leur garde-fou ? L’usager, toujours en ligne de mire. « Nous pensons le projet selon une dimension résolument spéculative : l’expérience. Cette visée est pour nous intimement liée à la question de l’utilisateur, dénominateur commun des champs de l’architecture, du design et de l’urbanisme. » Pour les jeunes agences, les premières participations aux concours d’architecture se soldent généralement par des échecs. En 2010, sans autre référence que leur expérience forgée chez Christian Hauvette, DATA tord le cou à la règle et remporte son premier concours : le casino de Montrond-les-Bains, dans la Loire, livré en 2012. Un projet à 10 millions d’euros en guise de saut dans le vide, baptême formateur rendu possible par un client courageux, le Groupe JOA, qui leur confiera par la suite deux autres opérations – à Giffaumont- Champaubert (2014), dans la Marne, et à La Seyne-sur-Mer (2015), dans le Var.
Deuxième coup du destin, un appel d’OMA, qui, en 2016, contacte DATA par l’intermédiaire d’un bureau d’études. Les Néerlandais cherchent un partenaire de confiance à Paris. Rendez-vous est pris quelques jours plus tard, à Rotterdam. « Nous nous sommes retrouvés dans l’agence de Rem Koolhaas, au milieu des maquettes de ses projets mythiques ; nous avions l’impression de flotter ! » Le temps d’une discussion avec Ellen Van Loon, associée chez OMA, l’affaire est entendue. Ils démarrent alors leur collaboration pour suivre l’épineux chantier de la fondation d’entreprise Lafayette Anticipations avec Citynove. Une opération complexe, en plein Marais, à Paris, où la ténacité de DATA va se révéler essentielle pour mener à terme l’audacieux projet de Rem Koolhaas.
Avec OMA, ils réalisent également les boutiques Maison Ullens (2014) et Repossi (2016) à Paris, et participent à des concours à Rennes ou dans la capitale. « L’histoire de DATA est basée sur de bonnes rencontres aux bons moments. Mais aussi sur le fait que nous tenons nos engagements, même quand il s’agit de réaliser les planchers mobiles de Lafayette Anticipations ! » Ils reconnaissent avoir eu de la chance et un accès à la commande simple et rapide. Aurions-nous enfin déniché des architectes qui ne se plaignent pas ?
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