Archi-culte : l’église Saint-Augustin, l’ovni en béton de la Grande-Motte

À La Grande-Motte, dans l’Hérault, l’église Saint-Augustin, dessinée par Jean Balladur, surprend par sa parabole ouverte au ciel, ses vitraux marins et sa cloche du XVIIᵉ siècle : un lieu inattendu, à la croisée du modernisme et de la spiritualité.

Elle est d’autant plus singulière que peu d’églises ont été construites en cette période. Saint-Augustin de la Grande-Motte est l’œuvre de Jean Balladur, architecte en chef de cette station balnéaire moderniste de l’Hérault, alors en plein chantier dans ces années 1970. Si le cahier des charges ne prévoit à l’origine pas de lieu de culte au moment de la conception de la ville de Petite Camargue, les premiers habitants arrivés et les vacanciers en grand nombre, réclament pouvoir participer à la messe du dimanche. Consulté, Balladur dévoile les plans de son église, conçue en tandem avec Jean-Bernard Tostivint, qui sera réalisée entre 1975 et 1976.


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Jean Balladur : béton clair et audace moderniste

Saint-Augustin de la Grande-Motte est financée par le diocèse de Montpellier, qui ne dispose cependant pas d’un budget illimité. « Balladur s’est arrangé pour récupérer un peu de béton clair parmi les camions qui tournaient dans la ville alors en construction », sourit un pionnier de la ville, qui préfère garder l’anonymat.

Photo d’époque de l’église Saint-Augustine de la Grande-Motte et des environs.
Photo d’époque de l’église Saint-Augustine de la Grande-Motte et des environs.

Malgré cette économie de moyens, Balladur n’en oublie pas l’ambition architecturale. Hommage à Saint-Augustin, philosophe et théologien berbère du IVe siècle, ce nouveau lieu de culte est l’un des éléments clé de la Place « des Trois Pouvoirs », aujourd’hui Place du 1er octobre 1974, avec l’hôtel de ville et le théâtre de plein air. Une architecture moderniste audacieuse, inspirée, comme le reste de la ville, par la capitale Brasilia d’Oscar Niemeyer que Balladur visite au début des années 1960. Béton clair, lignes courbes et formes fluides l’inspireront pour le design de la station balnéaire de la Grande-Motte et de son église. « L’architecte a voulu que la maison de Dieu se distingue par le signe d’une figure géométrique, la parabole, qui ouvre ses branches à l’infini pour mieux accueillir dans son foyer tous les destins parallèles des hommes qu’elle embrasse », écrira l’intéressé, profondément inspiré.

Si l’édifice religieux conserve des dimensions discrètes, il peut accueillir jusqu’à 1000 fidèles l’été : les vitres montées sur des gonds s’ouvrent sur l’extérieur, offrant au prêtre la possibilité de célébrer l’office sous les arbres. La blancheur du béton clair tranche avec le vert des pins parasols, comme le reste de la station balnéaire de la Grande Motte.

Une cloche du XVIIᵉ siècle au cœur du modernisme

Lors de sa construction, il n’y a malheureusement pas assez d’argent pour les vitraux. Il faudra attendre 1995 pour en installer, et l’intervention de Jacques Loire, maîtres verriers de Chartres qui en conçoit 62 mètres carrés composés de verres antiques sertis de plomb en double vitrage. Ils évoquent la mer et le soleil avec leurs tons bleus et jaunes, adoptant la forme d’ailes ou de voiles largement étendues. Au travers d’eux, le béton s’anime d’une douceur méditerranéenne et les rayons du jour se transforment en lumière providentielle.

Lors de sa construction, il n’y a malheureusement pas assez d’argent pour les vitraux. Il faudra attendre 1995 pour en installer, et l’intervention de Jacques Loire.
Lors de sa construction, il n’y a malheureusement pas assez d’argent pour les vitraux. Il faudra attendre 1995 pour en installer, et l’intervention de Jacques Loire.

Dans cette station balnéaire moderniste née d’un projet avant-gardiste, c’est une cloche du XVIIᵉ siècle qui résonne : un fragment d’ancien monde qui bat au cœur de la ville nouvelle. Le clocher de Saint-Augustin de la Grande-Motte abrite une cloche originaire de Montagnac, petite commune de l’Hérault, élément patrimonial le plus ancien de la ville. On y trouve plusieurs inscriptions et sceaux, le blason du roi Henri IV ainsi que l’emblème de la ville de Nîmes.

L’intérieur de l’église se distingue par sa grande simplicité, dominé par le béton brut, tandis que les bancs en bois ont été conçus par Jean Balladur. L’ensemble des éléments liturgiques — comprenant l’autel, l’ambon, la cuve baptismale, le tabernacle et l’ « arbre de lumières » — a été conçu par Jean-Jacques Bris. Les visiteurs témoignent d’une atmosphère sereine, propice à la méditation, souvent décrite comme un havre de paix, même pour un athée. Un  lieu incontournable, tant pour les amateurs d’art et d’architecture que pour ceux en quête de spiritualité paisible. Aujourd’hui, Saint-Augustin de la Grande-Motte est considérée à raison comme un jalon du patrimoine architectural du XXe siècle, sous le soleil éclatant du Languedoc.


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