Action ou vérité ? (1/3) : 6 créatifs révèlent leur geste quotidien pour la transition écologique

Ils et elles se sont prêtés sans prétention au petit jeu des questions-réponses. Ces personnalités créatives sont aussi des gens comme tout le monde, qui font des choix quotidiens pour se déplacer, manger, faire et se faire plaisir… mais sans polluer.

Philippe Starck

Designer, architecte d’intérieur, enchanteur…

Un geste quotidien qui participe à la transition écologique ?
Je ne crois pas qu’il faille faire des sacrifices pour sauver le monde, car si c’était le cas, nous serions morts. Il y a simplement besoin de petites économies, journalières et invisibles. J’estime à environ 10 % la quantité que l’on devrait retirer à tout. Autrement dit, aller en vacances 10 % moins loin, allumer 10 % moins de lumières et/ou 10 % moins longtemps, manger 10 % de moins, acheter 10 % de moins. C’est-à-dire continuer de vivre normalement, en évitant les choses clairement trop polluantes et nocives, mais en enlevant 10 % à tout. C’est totalement indolore, invisible et cela devrait fonctionner, à condition que tout le monde le fasse. N’importe quelle initiative écologique dépend de l’engagement personnel et humain.

Un geste beauté/mode/déco qui change tout ?
Ne pas être à la mode. Trop de gens vivent dans l’esprit des autres, dans la vie des autres, dans l’opinion des autres, dans la mode des autres. Être soi-même, ne pas tomber dans les pièges quelques fois pervers de la mode, simplement être libres.

Un geste inavouable ?
La réponse est dans la question : s’il est inavouable, je ne vais pas l’avouer, mais pour vous faire plaisir, je vais quand même essayer d’en trouver un. Ce qui serait inavouable serait un acte dommageable à l’autre. Je passe ma vie à éviter de faire des actes dommageables aux autres, je n’ai donc rien d’inavouable.

Votre table bio/végane ?
Chez moi, et en général cuisiné par ma belle-mère.

Un cadeau immatériel ?
Dans une société extrêmement bruyante, au sens propre comme au figuré, on s’aperçoit que lorsque nous parlons à quelqu’un, nous observons essentiellement ses lèvres. C’est dommage. Je pense qu’un beau présent immatériel est un vrai regard au fond des yeux.

Le bonheur, ce serait « un monde sans… » ?
En vocabulaire philosophique, on dit que le monde est « animé par le désir ». Peut-être. Mais le bonheur serait que ce monde animé par le désir ne se transforme pas, comme maintenant, par un monde animé par l’avidité. Du désir à l’avidité, il y a très peu et pourtant, l’un est la vie, l’autre est la mort.

> Retrouvez notre longue interview de Philippe Starck sur le design et l’écologie.

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Patricia Urquiola

Designer et directrice artistique

Un geste personnel et quotidien qui participe à la transition écologique ?
J’essaie d’utiliser le moins d’eau possible. Je me suis équipée de mitigeurs qui mélangent l’air et l’eau, ce qui d’emblée génère une faible consommation. Je cherche à privilégier les commerces et services dans un rayon de 15 minutes de mon domicile et de mon studio, pour tout faire à pied.

Un geste déco qui change tout ?
Je crois que nous avons beaucoup expérimenté en matière de design, surtout sur les matériaux, et j’espère que certains gestes ont fait la différence. Je pense, par exemple, au fauteuil Wasting Time Daybed que nous avons conçu pour la galerie Rossana Orlandi et qui était entièrement composé de matériaux recyclés ; ou à l’installation que nous allons lancer pour la National Gallery of Victoria, à Melbourne, en Australie, dans laquelle nous avons utilisé du feutre provenant de déchets de laine et de surplus de production.

Un geste inavouable ?
Pour mes recherches, je collecte beaucoup de choses durant mes voyages, en visitant des entreprises. La maison, l’atelier et l’entrepôt en sont pleins. J’accumule…

Votre table bio/végane ?
Joia, du chef suisse Pietro Leemann, à Milan. Il a démontré comment atteindre un niveau élevé de cuisine végétarienne, en mariant toutes sortes d’influences : italienne, française, chinoise et japonaise.

Un cadeau immatériel ?
Le temps… c’était un grand cadeau pendant le confinement. Habituellement, je voyage beaucoup, peut-être trop, et avoir la possibilité de m’arrêter et de passer plus de temps avec ma famille était un cadeau.

Le bonheur, ce serait « un monde sans… » ?
… sans gaspillage ! Nous devons révolutionner nos comportements, non seulement la façon dont nous produisons, mais aussi la manière de distribuer. C’est un changement qui est déjà amorcé, mais nous devons continuer dans cette direction, en réutilisant le rebut, et en l’incluant dans un processus circulaire plus conscient. Ainsi, nous allons concevoir un nouveau type de beauté, à travers des projets qui pourront mettre en valeur la beauté des restes.

> patriciaurquiola.com ; Patricia Urquiola

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Olivier Saguez

Directeur de Saguez & Partners

Un geste quotidien ?
Je me réveille, je m’étire et je bois de l’eau du robinet. Dans la journée, je vais beaucoup boire ; jamais de bouteilles en plastique.

Un geste beauté/déco/archi qui change tout ?
Geste beauté, je viens d’y répondre. Et, oui, je fais un câlin à ma femme. Geste déco, je ramasse des branchages de la campagne pour me rappeler la saison. Geste archi, je mets et remets du vert, encore et encore…

Un geste inavouable ?
J’ai envie de prendre l’avion pour Paros, en Grèce.

Votre table bio/végane à Paris ?
Pas végane, trop ennuyeux… Le Cuppa Café, 86, rue de l’Université (VIIe ), pour manger sur le pouce et pour ses soupes. Et Gayá, 6, rue de Saint-Simon (VIIe ), du chef Pierre Gagnaire, un lieu décontracté où tout est bon et accessible.

Un cadeau immatériel ?
Un petit mot d’amour ou d’amitié, et si possible dessiné.

Le bonheur, ce serait « un monde sans… » ?
Un monde sans SDF, d’abord, sans bruits et sans voitures ensuite, et enfin sans dimanche… Je hais les dimanches. Avec le temps qui passe, je suis de plus en plus vert, et je crois que l’homme n’est qu’une espèce parmi les autres espèces du monde du vivant. Je veux redevenir une fougère, une fourmi travailleuse, ou encore mon arbre, un sapin des montagnes de Chamonix… et pas trop de design.

> saguez-and-partners.com ; Olivier Saguez

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René-Jacques Mayer

Directeur de l’école Camondo Paris & Méditerranée

Un geste quotidien ?
Enfourcher mon vélo, come rain or come shine (« qu’il pleuve ou qu’il fasse beau »).

Un geste archi qui change tout ?
Le Bosco Verticale à Milan (deux tours signées Stefano Boeri érigées en 2014, NDLR) : le rythme des saisons près de soi.

Un geste inavouable ?
Le mix, en voiture, climatisation aux pieds et fenêtre ouverte… La chose impossible, impensable aujourd’hui.

Votre table bio/végane à Paris ?
Noglu : bio, sans gluten et bon. Certainement pas le meilleur, mais bon (15, rue Basfroi, XIe et 69, rue de Grenelle, VIIe ).

Un cadeau immatériel ?
Deux places pour le prochain spectacle de La Horde (collectif d’artistes et de danse urbaine, qui vient notamment de participer à l’inauguration du Festival international de mode de Hyères, en octobre, NDLR).

Le bonheur, ce serait « un monde sans… » ?
Sans trop d’objets, sans démolitions. Un monde où nous ferions plus avec l’existant.

> René-Jacques Mayer

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Studioparisien

(Laurene B. Tardrew et Romain Jourdan)

Un geste quotidien ?
Limiter l’usage des lumières artificielles.

Un geste déco/archi qui change tout ?
Faire entrer la nature dans son intérieur.

Un geste inavouable ?
Prendre un bain.

Votre table bio/végane à Paris ?
Maison Nomade (140, rue du Faubourg-SaintMartin, 75010).

Un cadeau immatériel ?
Un bisou.

Le bonheur, ce serait « un monde sans… » ?
Sans bruit, ce qui ne veut pas dire sans sons !

> studio-parisien.fr ; Studio Parisien

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Cécile Lochard

Directrice du développement durable chez Guerlain

Un geste quotidien ?
Je n’ai jamais mangé de viande ! Sinon (parce que trop facile quand on n’aime pas ça), le trio des « réutilisables » : la gourde, le bento pour le restaurant d’entreprise et le petit sac en coton pour les légumes, chez le primeur.

Un geste beauté qui change tout ?
Le soir, le démaquillant biphase Guerlain appliqué avec des cotons réutilisables, puis l’application de l’Huile-en-Eau Jeunesse Abeille Royale, au miel de l’abeille noire d’Ouessant.

Un geste inavouable ?
Un bain de temps en temps après une séance de yoga…

Votre table bio/végane ?
L’Abattoir végétal, funky et healthy, zéro viande et des superaliments dans une déco « chlorophyllée ». Leurs adresses à Paris : rive droite, au 61, rue Ramey (XVIIIe ) et rive gauche, au 9, rue Guisarde (VIe).

Un cadeau immatériel ?
Un soin Guerlain au 68, avenue des Champs-Élysées, bien sûr ! Et sinon, une visite pédagogique de la Ferme Nature & Découvertes, à Versailles, qui vient d’être inaugurée dans un ancien bassin du château : un modèle de permaculture, avec une initiation à la pratique par l’entrepreneur Gilles Degroote, un néo-fermier converti passionnant.

Le bonheur, ce serait « un monde sans… » ?
Sans plastique ! Et aussi sans cirques ni zoos !

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