Qui était Carlo Mollino (1905-1973) ?
François Basilien : C’était un personnage un peu baroque et un artiste protéiforme, à la fois pilote, photographe, designer, peintre, architecte… Il était pour le moins prolifique : à sa mort, on a découvert près de 4 000 photos inédites et autant de dessins.
Pourquoi avez-vous choisi d’exposer ces huit créations ?
Zanotta, qui est l’éditeur officiel de Carlo Mollino, a effectué un travail de redécouverte de ses dessins, pour recréer des pièces au plus près de leur esprit original. Nous profitons des 10 ans du showroom RBC installé dans le Cube Orange de Jakob+MacFarlane à Lyon, pour réaffirmer nos fondamentaux : la culture du design et son histoire moderne de 1930 à nos jours.
Avec Carlo Mollino, la fantaisie partout
En quoi les pièces exposées sont emblématiques de son travail ?
Si vous prenez le bureau Cavour (1949), réalisé en noyer comme dans la première version, son plateau en verre révèle la structure en forme de boomerang, car Mollino cherchait à obtenir le maximum de résistance et de portée avec le minimum de matière. C’est un bureau de chef, mais avec un caisson vitrine où l’on peut mettre quelque chose d’excentrique.
Carlo Mollino glissait de la fantaisie partout ?
Oui, d’ailleurs le titre de l’exposition signifie « Toujours sauver la fantaisie ». La console Carlino (1938) est un bon exemple de son côté surréaliste, avec sa silhouette de commode posée sur un seul pied. C’est un objet presque inutile, mais qui affirme qu’il assume l’héritage des grands faiseurs de mobilier classique. Sa fantaisie n’est pas superficielle, il y a aussi une gravité dans les objets…
Le célèbre miroir Milo (1938) a également été recréé ?
Cette pièce iconique, imaginée pour sa maison de Turin, est présente dans la collection Zanotta depuis toujours. Mollino était fasciné par la beauté des femmes et la Vénus de Milo. A travers ce miroir-buste universel, toutes les femmes sont belles…
« Renouvelons-nous car l’époque est morose ! »
Le fauteuil Ardea (1946) est d’une actualité folle…
Cent ans avant celui de Häberli pour Moroso et de bien d’autres, c’est un peu le papa de tous les fauteuils à oreilles, et la première vraie bergère contemporaine répertoriée. Le détail de nervure quasiment animale du piètement, qui n’existait plus sur les éditions précédentes, a été recréé.
La table Reale (1948) est elle aussi fascinante…
C’est une pièce maîtresse de l’exposition. Zanotta a retravaillé tout le façonnage en bois massif du pied pour redonner les épaisseurs, les jeux d’ombres et de lumière. Pour moi, ce n’est pas une table mais un événement architectural qui sert de table. Le plateau en verre biseauté lui va comme un gant. On a envie de ne pas dresser la table pour pouvoir l’admirer !
A travers cette exposition, c’est tout un pan du design que vous voulez raconter ?
Carlo Mollino a beaucoup expérimenté, il s’est inspiré de toutes ses passions et, en retour, a nourri son époque. Cette exposition est une façon de dire : « Osons ! Projetons-nous en avant ! Aventurons-nous dans la création ! Renouvelons-nous parce que l’époque est morose. » C’est ce que nous faisons ici depuis dix ans…
> Exposition Sempre salva la fantasia, hommage à Carlo Mollino. RBC Lyon. 42, quai Rambaud, 69002 Lyon. Jusqu’au 24 décembre 2020. Entrée libre.