Rétrovision : Andrée Putman, l’élégante rebelle

Si Andrée Putman est partie le 19 janvier 2013, sa trace reste pour l’éternité. En témoignent ses anciens projets, dont la modernité ne cesse de perdurer.

« La grande dame du design est partie, elle nous a quittés le 19 janvier des suites d’une longue maladie… » pouvait-on entendre au lendemain de la disparition d’Andrée Putman, survenue au début de l’hiver 2013. En France, on a vraiment tendance à caricaturer les choses ! Elle aurait sûrement détester qu’on l’appelle « la grande dame du design », quelle drôle d’appellation ! Herbert Von Karajan… « le grand Monsieur de la musique classique », Coco Chanel « la grande demoiselle de la mode ». Souvent ces hommages ne rendent pas réellement hommage…

En 2009, Andrée Putman pose pour IDEAT avec son fils Cyrille et sa fille Olivia.
En 2009, Andrée Putman pose pour IDEAT avec son fils Cyrille et sa fille Olivia. DR

Andrée Putman était beaucoup moins sérieuse qu’elle ne le paraissait. On la croyait distante et prétentieuse, elle était tout le contraire : drôle et curieuse. On la pensait rigide, elle se révélait excentrique, créative et transgressive. Elle nous avait reçus dans ses jolis bureaux de Denfert-Rochereau et avait été d’une disponibilité et d’une gentillesse incroyables, allant même jusqu’à nous dessiner une couverture pour le numéro du dixième anniversaire d’IDEAT.

Showroom Anne Fontaine sur Madison Avenue à NYC (2008).
Showroom Anne Fontaine sur Madison Avenue à NYC (2008). DR

Son parcours est atypique. Elle a commencé sa carrière comme styliste (ELLE, l’OEil, Prisunic) puis elle a créé Ecart en 1978 en rééditant Mallet-Stevens, Jean-Michel Frank, Eileen Gray… De la réédition, elle passe à la conception d’espaces en réaménageant des hôtels (le Morgans à NYC en 1984, le Im Wasserturm de Cologne en 1990, le Sheraton de Roissy en 1994, le Pershing Hall à Paris en 2001…), des boutiques (Balenciaga, Bally, Lagerfeld) et des musées (le CAPC de Bordeaux…). Elle a dessiné des meubles pour Poltrona Frau, Emeco et même un piano pour Pleyel. Christofle, Veuve Clicquot, Vuitton, Guerlain feront tous appel à son studio en recherchant ce qu’elle savait faire le mieux : travailler l’élégance et la simplicité au moment où l’on était empêtré dans un style lourd et ostentatoire.

Le Gildo Pastor Center à Monaco et son escalier « comme un colllier » (1996).
Le Gildo Pastor Center à Monaco et son escalier « comme un colllier » (1996). DR

En fait, le style Putman c’est une certaine idée de la France, une France anti bling-bling et sûre de son histoire. Une France belle comme une jolie femme simplement habillée tout en noire, mais dans des tissus d’exception.

Suite de l’hôtel Morgan’s à New York (1984).
Suite de l’hôtel Morgan’s à New York (1984). DR

En pensant à Andrée Putman, on entend cette très belle chanson de Malcom McLaren (Paris-Paris) qu’il a créée en 1994. Catherine Deneuve dit sur une très belle musique : « Barman dans le shaker, mets d’abord de l’élégance, un trait de Sacré-Coeur et deux doigts de Doisneau, une Piaf, quelques moineaux et Joséphine Baker. Là, une dose de Prévert et son raton-laveur, prenons un dernier verre près du Bateau-Lavoir, une Simone de Beauvoir et deux singes en hiver, mettez trois notes de jazz… Un zeste de Javanaise… Saupoudrez pour finir de poussière du métro mais n’en prenez pas trop… Paris perdrait son âme. » Tout Putman est dans cette chanson !

La baignoire aux pieds boules, un classique qu’Andrée Putman a créé pour le Pershing Hall parisien, ici dans un appartement de San Sebastian (2005).
La baignoire aux pieds boules, un classique qu’Andrée Putman a créé pour le Pershing Hall parisien, ici dans un appartement de San Sebastian (2005). DR
Dans l’ex-agence parisienne d’Andrée Putman.
Dans l’ex-agence parisienne d’Andrée Putman. DR

 

En 1993, Andrée Putman s’attelle à la rénovation des espaces intérieurs du Concorde et en profite pour redéfinir la notion de luxe aérien
En 1993, Andrée Putman s’attelle à la rénovation des espaces intérieurs du Concorde et en profite pour redéfinir la notion de luxe aérien DR
Salon de l’hôtel Morgan’s à New York (1984).
Salon de l’hôtel Morgan’s à New York (1984). DR