Hôtel caméléon
En s’inspirant de la Casa del Fascio, de Giuseppe Terragni, qui date des années 30 et qui, aujourd’hui, abrite à Côme la police douanière et financière, Patricia a fait coup double : son grand parallélépipède est juché sur les ruines de pierre grise locale (la pierre de Moltrasio) de la bâtisse d’origine, qui fut rasée. Il joue sur les effets de pleins et de vides, mais sa géométrie rationaliste est adoucie par la présence de brise-soleil en bois (local également, le ceppo lombardo). « L’idée avec ces panneaux de bois, explique l’architecte, était de donner aux hôtes le choix de créer un espace en harmonie avec la nature, de régler l’entrée de la lumière, tout en faisant en sorte que le bâtiment s’intègre au paysage. »
Depuis l’autre côté de la rive, effectivement, l’édifice est quasiment invisible. Cette harmonie est renforcée par la chorégraphie végétale signée du paysagiste Flavio Pollano et contresignée par les murs végétaux de Patrick Blanc, pour qui « le design des plantes reproduit les ondulations de la surface du lac ». Cet accord avec la nature se poursuit à l’intérieur avec le choix de la pierre de Fossena, le travertin dans les salles de bains, le granit, le frêne et le noyer. Toutes les variantes de couleur du lac sont reproduites sur les tissus, les tapis, les coussins… dans une symphonie de verts, d’azur, de bronze, de cuivre et de gris. « Je me suis inspirée des couleurs du lac, du scintillement de l’eau, des montagnes et du village de Torno. Nous avons utilisé des matériaux naturels pour procurer au lieu une durabilité et une élégance intemporelles. Je voulais que le lac soit sans cesse présent dans l’hôtel. »
L’escalier central (produit par Fontanot) a été pensé par Patricia comme un atrium aérien de verre, de bois et de tubes de métal, comme suspendu. Une élégance servie par l’excellence des savoir-faire locaux (faut-il rappeler que la Brianza, autour de Milan, est le fief de la production du design « made in Italy » ?), à tel point que la clientèle internationale attendue ici, si elle n’est pas d’emblée réceptive à cette démonstration d’excellence, sera dans tous les cas sensible à ce style fantasmé d’une Italie des années 50, parachevée par les deux Jetto et la Vaporina Riva qui emportent les hôtes pour de petites virées sur le lac. Lesquels pourront y admirer le luxe Renaissance de la villa d’Este ou les multiples demeures au charme suranné, dont l’histoire des propriétaires – danseuse russe du XIXe ou célébrité actuelle vantant des arômes de café – ajoute à l’enchantement du lac.
Cet héritage historique se retrouve notamment dans le traitement du restaurant (dirigé par l’étoilé Andrea Berton), dont « les motifs au sol sont inspirés des pinces à cheveux du personnage de Lucia dans le roman d’Alessandro Manzoni Les Fiancés (1821) », confie Patricia. Pour elle, « faire un hôtel, c’est créer une connexion entre l’espace et les clients, donner un vrai sens à l’hospitalité, provoquer de l’empathie ». Une hospitalité orchestrée par le directeur de l’hôtel, Samy M. Ghachem, à la décontraction tout américaine.