« [Saint-Tropez] est une de ces charmantes et simples filles de la mer, une de ces bonnes petites villes modestes, poussées dans l’eau comme un coquillage, nourries de poissons et d’air marin et qui produisent des matelots. […] On y sent la pêche et le goudron qui flambe, la saumure et la coque des barques. On y voit, sur les pavés des rues, briller comme des perles, des écailles de sardines, et le long des murs du port le peuple boiteux et paralysé des vieux marins qui se chauffe au soleil sur les bancs de pierre », écrivait Guy de Maupassant (Sur l’eau, 1888). Paul Signac en fit sa terre d’amour et plus tard, BB sa « plage abandonnée« , son repère loin des regards. Aujourd’hui, derrière les strass, les paillettes et les Lambo fluo, le petit port de pêche, plus aussi modeste, conserve tout son charme. Visite guidée de 3 adresses bucoliques à découvrir sans plus tarder.
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Jacquemus s’ancre sur la baie
Saint-Tropez s’est remise sur les rails du cool. Pour preuve, Jacquemus prend d’assaut le Golf. L’an dernier, le créateur en vogue trempait déjà un doigt dans la baie, à Pampelone, en ouvrant un premier pop-up et en redécorant la plage de l’Indie Beach – propriété de l’Indie Group, porté par un trio de restaurateurs, amis d’enfance ayant grandi dans le village de Et Dieu créa la femme ( – de ses rayures. Là bas, face à l’eau turquoise, les plagistes portent des bobs frangés griffés, objets de désir vendus en boutique.
Cet été, le créateur sudiste dans l’âme pose ses valises sur la mythique place des Lices et s’associe à une autre légende locale, le restaurant La Renaissance, collé au sublime cinéma éponyme. Un défi de taille : cette institution tropézienne, ouverte à l’année, est le repaire des boulistes – qui y possède un casier afin de stocker leurs instruments – et des joueurs de cartes, les menus étant encore abordables malgré les prix exorbitants qui se pratiquent dans le village.
« La griffe a tapé à notre porte : le créateur était tombé d’amour pour notre établissement, qui fleure bon l’authenticité et les belles années de Saint-Tropez, raconte Camille Rouet, le directeur aux manettes depuis à peine quelques semaines. Nous savions que peu importait ce que ferait Jacquemus, cela ferait un carton, mais il était impératif pour nous de ne pas faire fuir notre clientèle de fidèles en faisant flamber les prix, qui sont restés identiques [Ce midi, le plat du jour est à 20€, NDLR]. Pari réussi : ils n’ont pas changé leurs habitudes. » Et ce malgré la décoration qui a, elle, drastiquement changé.
La Renaissance a donc troqué son style bistrot contre l’esprit méditerranéen chère à la maison de mode. Toile immaculée, mobilier blanc en fer forgés, coussins rayés jaune poussin, en échos aux matelas de la plage d’Indie Beach… Tout n’est que douceur et volupté, à des années lumière du bling qui règne parfois (souvent ?) à Saint-Tropez. « Nous avons travaillé avec le collectif We Are ONA, Notre but était de réaliser de belles assiettes, mais abordables, continue Camille. Mais nous avons changé des petites choses : prolonger le service du midi et privilégier des plats à partager au moment de l’apéritif. Saint-Tropez regorge de belles tables et de restaurants festifs, mais il y manque des lieux pour boire un verre en fin de journée. »
> Café & brasserie La Renaissance by Jacquemus, 15 traverse des Lices, Saint-Tropez. Tél.: 04 94 97 02 00
« Une Maison à Saint-Tropez » passe à table
Toujours place des Lices, l’architecte et designer Isabelle Castanier ouvre pour une seconde saison les portes de sa maison familiale à l’occasion de son exposition « Une Maison à Saint-Tropez : Tables et récits intimes ». Le prétexte idéal pour visiter l’une des rares maisons de la ville (voire la seule !) appartenant encore à des particuliers, et non à des grands noms du luxe (Dior, Chanel…). « Cette bâtisse, construite en 1789, est depuis restée dans la famille, confie la jeune femme qui a grandi dans le village et y a fondé son agence en 2015.
Tomettes au sol, cour intérieure avec ses vieux bassins en pierre, pièces dans leur jus, poignées de porte en porcelaine décorées, le mobilier orange de Gae Aulenti aperçu dans La Piscine (Jacques Deray, 1969) trônant dans l’entrée, aux fenêtres, une paire de rideaux brodés de fleurs signés Sarah Espeute… Le charme opère. « Mes grands-parents ont habité ici jusqu’à leur décès, il y a un an et demi. Ni l’un ni l’autre ne cuisinaient : ils ont donc transformé la cuisine en atelier de peinture pour mon grand-père, resté tel quel et l’ont déménagée dans une tout petite pièce. »
« Cette prochaine exposition fait écho aux souvenirs d’enfance et à ce qui nous lie au moment des repas, continue Isabelle Castanier. J’ai nourri ces artistes émergents d’une multitudes de références pour inspirer leur création : Le Banquet de Platon, Boucle d’or et les Trois Ours, ce conte qui rappelle que l’on doit prendre soin des affaires des autres quand on passe leurs portes, les films La Bonne année (1973) et La Belle et le Clochard (1955), clin d’œil aux moments d’intimité que l’on peut partager même au restaurant, entourés de gens… » Un beau programme.
> Exposition « Une Maison à Saint-Tropez : Tables et récits intimes », du 4 juillet au 24 août 2024 de 10h à 13h et de 16h à 20h sur rendez-vous du lundi au vendredi, visite libre le samedi et dimanche, nocturne & événements privés chaque Jeudi soir, à l’agece d’Isabelle Castanier, 17 Avenue Foch, Saint-Tropez. Tél. : 06 24 03 55 08
Cédric Grolet incognito
À l’écart de la frénésie du port et de la place des Lices, un nouveau venu vient de se poser dans une petite rue piétonne et totalement déserte – on ne tombe pas sur cette boutique par hasard. Là, Cédric Grolet sirote un expresso devant la devanture parsemée de tournesols. « Je tenais absolument à m’implanter au sein de la vieille ville, dans une allée qui interdite aux voitures, commente le chef. J’aime le côté village, le sud, la proximité avec la mer qui font le charme de Saint-Tropez. Je tenais à ce que ce lieu reste discret. » Pile dans l’esprit de ce qui a fait les beaux jours de Saint-Tropez, quand la grande BB déambulait pieds nus dans les rues. « Au départ, nous avions en tête de créer un lieu beaucoup plus moderne. Et finalement, j’ai préféré conserver les volets d’origine et le côté authentique. C’est une petite maison qui ressemble à la boulangerie que tenait mon grand-père. »
Entre deux photos prises avec les clients peu avares de compliments, le pâtissier star inspecte les moindres détails de son comptoir ouvert il y a à peine deux semaines en collaboration avec les Airelles. « Je m’assure que tout est propre, que les pâtisseries sont bien présentées, que les clients passent un bon moment« , explique l’intéressé. Difficile de résister aux croissants, pains au chocolat et autres tartelettes sublimes alignés à la vue de tous, titillant les appétits des gourmands.
L’œil attentif repère tout de suite le dernier-né : la tarte tropézienne – gâteau comprenant deux brioches et au milieu une crème pâtissière vanillée le tout saupoudré de cristaux de sucre – revisitée par Cédric Grolet. Dans l’arrière boutique, de grandes baies vitrées permettent aux curieux d’observer la préparation de ces chef-d’œuvre gourmandes. Un videur s’assure que le lieu ne soit pas trop encombré. La haute saison n’a pas encore débuté et déjà, on se presse aux portillons du pâtissier.
> Cédric Grolet & Airelles, du mercredi au dimanche de 9h30 à 18h, 19 rue des Feniers, Saint-Tropez.
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