« Les étoiles s’alignent » confie Annelise Michelson qui fête les dix ans de sa marque en grande pompe. Elle a en effet inauguré sa première boutique à l’occasion de la dernière Fashion week avant de lancer, à la fin du mois, une ligne masculine.
Sculpter le bijou
Le monde du bijou comme celui du design, s’il n’est pas impitoyable, peut s’avérer impénétrable. A l’instar du design industriel, chaque création résulte d’un processus rigoureux. Annelise Michelson est sans doute la mieux placée pour parler de ce lien que tisse la bijouterie avec le design et l’architecture intérieure, comme elle le prouve dans sa nouvelle boutique située à deux pas de la place de la Madeleine, à Paris.
« Je suis avant tout une sculptrice, commence-t-elle, c’est ma passion. » Tailler la pierre, la polir… Cette pratique a guidé le geste d’Annelise Michelson dans le travail des matériaux qu’elle façonne en bague, boucles d’oreilles ou manchettes. Depuis dix ans, son nom est synonyme d’un luxe discret qui s’affiche aux mains, poignets, cous et oreilles des Parisiennes.
Peut-être est-ce sa bague « Drapée » qui l’a fait connaître du grand public à travers les pages glacées des magazines. Sa silhouette ondulante, à la fois délicate et imposante, incarne le savoir-faire et la vision qu’on imaginerait être ceux d’une sculpteuse travaillant un bloc de marbre.
C’est ainsi que débute l’histoire de chacune de ses créations. Une idée en tête, une matière à modeler en main. Elle écorche, cisèle, adoucit, fignole. En reproduisant sa technique sur bloc à petite échelle, Annelise Michelson fait du bijou une œuvre d’art à porter au quotidien, réalisée en vermeil ou en argent. Après « Drapée » et son allure sensuelle, « Eden » et « Unity » ont introduit au doigt et à l’oreille les tribulations d’un fil de fer que l’on aurait torsadé jusqu’à trouver sa parfaite position. Cet hiver, les hommes pourront passer ce dernier modèle autour de leur poignet mais aussi s’approprier la chevalière de la marque, un arc-de-cercle qui semble fini par un coup de marteau franc.
Annelise Michelson, architecte d’intérieur… et designer
Après le bloc de marbre et le vermeil, Annelise Michelson s’est récemment adonnée au travail du plâtre. Loin du tumulte de la rue, elle a mis la main sur un petit local confidentiel en fond de cour. « Il ne ressemblait pas à grand chose, était peu lumineux mais il voisinait avec de belles maisons comme Hermès. Côtoyer ce monde était un rêve qui devenait réalité. » La rénovation est totale. Annelise s’entoure de son ami Billy Falola pour concevoir le projet, les idées déjà bien arrêtées.
« Le rose comme fil conducteur a tout de suite été une évidence, mais je ne pensais pas autant l’utiliser » s’amuse-t-elle en regardant cette moquette puissante dont la couleur est nuancée sur les murs et au plafond grâce au travail de précision d’une amie peintre avec qui elle a imaginé la teinte. « Nous avions tout d’abord pensé à des murs blancs mais la réflection de la moquette aurait donné un air layette. Alors nous avons élaboré la couleur sur mesure. » Un choix audacieux qui donne à l’écrin le chic d’une boîte à bijoux. Au lieu d’un joyau s’élève la pièce maitresse de la boutique … Présentoir ou stèle ? La sculpture XXL fait le trait d’union entre sol et plafond.
Annelise Michelson l’a modelée à la main avec l’aide de son ami architecte sur une structure façonnée en fil de fer et recouverte de plâtre. Un travail titanesque qui s’est étalé sur plusieurs mois, « le temps de laisser sécher chaque couche de plâtre et de corriger les courbes. » La ressemblance avec la torsade d’une bague « Spin » est flagrante.
Ce totem est un tour de force autant qu’une astucieuse façon de camoufler le grand défaut de l’espace. En effet, un poteau structurel était installé en plein centre du local. L’idée de l’utiliser comme une qualité a donné vie une âme à la boutique.
Une coiffeuse intégrée dans un mur, façonnée de la même façon que cette stèle, offre un autre présentoir aux bijoux de la collection. Elle s’intègre à une surface recouverte de miroirs afin d’agrandir l’espace et d’en décupler la lumière. Un seul détail orne la boutique sans réel usage pratique : une sculpture (une vraie !) de la créatrice qui anime l’espace près de son bureau.
Point d’orgue de cette réalisation architecturale, le bureau et ses chaises, où Annelise Michelson et son équipe invitent les clients à essayer les bijoux. « Je ne trouvais pas de mobilier qui s’accordait avec l’espace que nous venions d’achever, raconte la créatrice, Billy m’a dit « pourquoi tu ne le ferais pas toi ? » Je me suis donc remise au boulot et j’ai sculpté une table et deux chaises complémentaires. » Leur allure est unique, à tel point que la créatrice de bijoux pense éventuellement à les éditer à plus grande échelle. De sculpteuse à designeuse, il n’y a finalement qu’un pas — ou deux…
> Boutique Annelise Michelson. 28 Rue Boissy d’Anglas, 75008 Paris. Site internet.