Alors qu’en mai l’Inde et le Pakistan étaient déjà écrasés par des canicules intenses, avec des températures dépassant les 50 °C, l’urgence climatique ne semble toujours pas au cœur du débat politique. Pour sa deuxième édition, la Biennale d’architecture et du paysage d’Île-de-France, surnommée « Bap ! », prend le contre-pied. Affirmant que la crise écologique est majeure et inéluctable, elle interroge l’impérieuse nécessité d’un monde à réinventer.
Une programmation autour de l’écologie
Après la première en 2019, il aura fallu attendre 2022 et la perspective d’une sortie de crise sanitaire pour découvrir cette édition autour du thème « Terre et villes ». Comment construire à l’heure où les ressources se raréfient ? Comment réconcilier l’architecture avec le vivant dans nos villes historiquement minérales ? Comment favoriser les bonnes pratiques en Île-de-France et ailleurs ? La question de l’usage des terres, ou comment les protéger tout en continuant à construire, traverse toute cette manifestation. Le lien entre terre et villes est ainsi envisagé sous toutes ses formes : socle paysager, support du vivant, terres nourricières, terroirs regorgeant de ressources naturelles, aménagement circulaire, construction en terre.
Durant deux mois était proposée au public une programmation aussi riche que dense dans différents lieux. Neuf expositions étaient présentées, investissant pour l’occasion des sites prestigieux de la ville de Versailles autour de la question écologique. Autant d’approches différentes et de regards croisés, à la manière d’un kaléidoscope, pour tenter d’y répondre. C’est encore une belle façon de rendre compte de la complexité de ces problématiques multifactorielles, tout autant que de démontrer qu’il est possible d’agir à tous les niveaux. Les architectes Guillaume Ramillien et Nicolas Dorval-Bory sont les commissaires de « Visible – invisible », qui était présentée dans les murs de l’école d’architecture de Versailles et la Petite Écurie. Ils se sont demandés comment faire émerger des formes architecturales inédites à partir de ce qui est disponible localement, ce qui apparaît comme le nouveau paradigme de la discipline.
Au Potager du roi, « La Préséance du vivant », du jardinier paysagiste Gilles Clément et du collectif Coloco, invitait le public à découvrir les programmes de paysage les plus poussés en matière d’écologie, mais également à un projet participatif autour d’un jardin coconçu par celles et ceux désirant y prendre part. Présentée par la Cité de l’architecture et du patrimoine, « Terre ! Land in sight ! » (Terre ! Terre en vue !) exposait trois pavillons imaginés par des lauréats du Global Award for Sustainable Architecture : Rozana Montiel (Mexique), Boonserm Premthada (Thaïlande) et Ammar Khammash (Jordanie).
Une architecture plus responsable est possible
Chacun à leur façon, ils se sont interrogés sur les moyens possibles pour réinventer notre habitat face aux ressources qui se raréfient et aux dérèglements climatiques. Ou comment encourager les savoir-faire locaux et la green tech. Devant l’ancienne poste de Versailles, « Élément terre », « curatée » par Cécile Diguet, directrice du département urbanisme, aménagement et territoires de l’Institut Paris Région, mettait à l’honneur ce matériau ancestral à travers une maquette monumentale et vivante de la région Île-de-France. Comprendre le sol pour « mieux l’habiter et vivre avec lui », résume la commissaire. Enfin, sur l’esplanade face au château, l’agence ChartierDalix a réalisé le pavillon « Végétal et architecture » de la Métropole du Grand Paris, qui participe à cette biennale.
L’occasion pour l’agence parisienne de faire connaître son travail d’expérimentation au long cours sur les parois biodiversitaires. L’enceinte porteuse de l’édifice prenait la forme d’un mur de pierres qui se laisse habiter par la faune et la flore. À l’intérieur du pavillon se trouvaient deux expositions photographiques, la série « Terres, sols profonds du Grand Paris », d’Anne-Marie Filaire, et « Les formes de l’eau » d’Aurore Bagarry. Durant les deux mois que durait l’événement, artistes et performances ont fait faire vivre ce pavillon en collaboration avec les Ateliers Médicis. Rappelons que la Métropole du Grand Paris, ce sont 131 communes et 7,2 millions d’habitants. L’enjeu est donc de taille pour la métropole d’affirmer ses ambitions face aux défis climatiques. Cette biennale lui offrait une belle vitrine pour poursuivre la sensibilisation du grand public face à l’urgence.