À Venise, Zineb Sedira bat pavillon français. L’œuvre de cette Britannique d’origine franco-algérienne unit fiction et documentaire pour mieux interroger les notions de mémoire, de transmission, d’identité. Autant de thèmes qui définissent cette 59e Biennale internationale d’art qui rend hommage aux artistes femmes.
Ode au cinéma des années 60-70
Que signifie représenter la France ? À cette question, Zineb Sedira apporte une réponse qui évoque la diversité culturelle du pays où elle a grandi. Déjà, en 2019, lorsqu’elle investissait le Jeu de Paume avec L’Espace d’un instant – une installation mêlant film, vidéo et photographie –, elle témoignait de la manière dont l’art peut défendre des idées anticoloniales.
Deux ans plus tard, dans le prolongement de ce projet « tiers-mondiste », elle souligne comment le cinéma des années 60-70 a généré des alliances entre la France, l’Italie et l’Algérie. Le visiteur entre dans le pavillon français comme dans un décor – copie conforme du salon de Zineb Sedira, à Brixton, quartier du sud de Londres, où elle vit depuis une quarantaine d’années. Dans ce décor, un film est projeté. Ou plutôt plusieurs extraits, remake de fictions tournées en Algérie (Élise ou la Vraie Vie, de Michel Drach, Le Bal, d’Ettore Scola, Les Mains libres, d’Ennio Lorenzini).
Cette mise en abyme révèle les solidarités culturelles et politiques qui unissaient alors l’Europe à certains pays décolonisés. Une époque de fraternité « utopique » que Zineb Sedira, née en 1963, n’a connue qu’à travers les longs-métrages vus avec son père dans le cinéma de Gennevilliers où ils habitaient. Mais si son œuvre est éminemment autobiographique – au casting de son film ne figurent que des membres de sa famille, des amis, des collaborateurs –, elle est aussi universelle.
Y sont abordées des questions comme la construction de la mémoire, la transmission, l’anticolonialisme, l’identité, autant de thèmes reconnus par le jury de la biennale qui lui a accordé la mention spéciale. Un jour, Zineb Sedira a découvert dans le port de Marseille une inscription : « Dreams Have no Titles » (les rêves n’ont pas de titre). Ce graffiti est devenu le titre de cette fiction qui se clôt sur un air de tango.
> Les rêves n’ont pas de titre. Au pavillon français de la 59e Biennale internationale d’art de Venise, jusqu’au 27 novembre. Labiennale.org