Double actualité française pour Nathalie Du Pasquier ! L’artiste et designer présente deux expositions personnelles : « Campo di Marte », au MRAC Occitanie, et « Chez eux », à la villa Savoye, à Poissy. Deux occasions rares de découvrir le travail de ce membre fondateur du groupe Memphis.
Mise en abyme
Dans son atelier milanais, voilà des années que Nathalie Du Pasquier peint, assemble, construit, compose, recompose des éléments géométriques, des objets du quotidien… Pour sa première grande exposition française, elle a voulu montrer son travail sous la forme d’une « Gesamtkunstwerk », une œuvre d’art totale. Soit 150 œuvres réalisées entre les années 80 et aujourd’hui, qui se déploient sur les 1 200 m2 du musée régional d’Art contemporain (MRAC) de Sérignan (34).
Un espace lumineux, à deux pas de la plage, transcendé par l’œuvre de Daniel Buren, Rotation, un ensemble de filtres colorés appliqués sur les vitres du musée, comme des vitraux abstraits. Un bâtiment à taille humaine, ancré au cœur d’un village et dans lequel le visiteur aura plaisir à se perdre. Un lieu très actif dans le domaine de l’art contemporain et qui propose jusqu’au 25 septembre « Campo di Marte », une coproduction avec le musée d’Art contemporain de Rome (MACRo) où s’est tenue la sœur jumelle de cette exposition il y a quelques mois.
Si la scénographie possède bien une entrée et une sortie, Nathalie Du Pasquier semble vouloir nous immerger dans son œuvre. Peintures, carrelages, affiches, céramiques et cabines en bois sont disposés sans hiérarchie, comme pour évoquer un work in progress perpétuel. « Dans cette exposition, j’essaie de raconter “ma vie de peinture” en blocs indépendants, composés d’œuvres d’époques différentes et requérants de multiples techniques. Ces blocs composent à leur tour cette exposition comme une grande installation de pièces ayant été réalisées au cours des trente-cinq dernières années. Il n’y a pas d’ordre chronologique, les peintures sont utilisées comme matière première pour réaliser des œuvres nouvelles. Le cerveau contient des éléments éloignés dans le temps et les relie à des expériences plus récentes. Plus on vieillit, plus cette installation peut devenir complexe. C’est une opération exempte de nostalgie, car les nouveaux objets qui résultent de ces juxtapositions sont complètement nouveaux pour moi aussi », explique l’artiste.
D’ailleurs, à l’étage, les « portraits » à l’huile de ses « constructions » font face à ces mêmes constructions qu’elle est venue poser là comme une mise en abyme. Les cabines, qui étaient des « supports » pour disposer les œuvres – ou les isoler du reste de l’accrochage – sont devenues au fil des ans des tableaux tridimensionnels. Car depuis les années 2000, alors que la peinture d’objets représente le cœur de sa pratique, le volume acquiert une place dans son œuvre. C’est donc dans un espace sans date ni cartel que l’on déambule ; chaque visiteur pouvant s’approprier l’œuvre spontanément et selon sa sensibilité. Un ensemble foisonnant qu’elle agence sur des murs qu’elle a peints elle-même et qui font partie de la proposition : « Les tableaux n’ont pas besoin d’être sur un fond blanc et silencieux. Ils vivent différemment sur une surface mouvementée, que j’ai pensée comme une immense toile », ajoute-t-elle.
Une géométrie dépouillée
Ce travail de construction et d’agencement, on le retrouve à la villa Savoye, à Poissy (78), avec la carte blanche « Chez eux », pour laquelle Nathalie Du Pasquier propose une douzaine d’œuvres, toiles et constructions en bois, conçues pour dialoguer avec les espaces de cette demeure de la banlieue parisienne, dessinée par Le Corbusier et désormais monument historique, inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’ Unesco. Elle s’est inspirée de la famille Savoye qui y vécut jusqu’en 1940.
Avec son regard d’artiste, elle a investi les pièces du premier étage de la maison : chambre des parents, salon, chambre d’amis et cuisine, pour lesquelles elle a créé des objets composites, œuvres multidimensionnelles qui associent aplats, perspectives et objets réels ou transformés, dont les couleurs et les volumes résonnent avec l’esthétique puriste du Corbusier. Un choix évident selon Yvon Lambert, son galeriste, qui souligne que « l’œuvre de l’architecte et celle de l’artiste ont en commun des formes simples, une géométrie dépouillée, un travail sur la modularité ». À voir absolument.
Deux expositions à voir cet été
- « Campo di Marte ».Au MRAC Occitanie, 146, avenue de la Plage, 34410 Sérignan, jusqu’au 25 septembre. Mrac.laregion.fr
- « Chez eux ». À la villa Savoye, 82, rue de Villiers, 78300 Poissy, du 10 juin au 25 septembre. Villa-savoye.fr