Michelangelo Pistoletto, connu pour son travail au sein du mouvement Arte Povera, inaugure une exposition monographique à la Commanderie de Peyrassol. Retour avec le maestro sur les raisons de cette collaboration atypique.
IDEAT : Comment est venue l’idée de montrer votre travail dans un vignoble, plutôt que dans l’unes de vos galeries comme Galleria Continua ou Simon Lee ?
Michelangelo Pistoletto : Monter une exposition dans une galerie, cela n’est pas suffisant. Il faut responsabiliser les artistes pour que les œuvres deviennent efficaces. Pour moi cela n’est pas tellement l’objet qui est intéressant, mais la manière dont il est activé par la personne qui le regarde. Le projet de Peyrassol est né d’une discussion avec Lorenzo Fiaschi, le directeur de Galleria Continua. J’aimais bien l’idée de placer mes œuvres dans un environnement différent, devant un public qui n’a pas forcément l’habitude de voir de l’art contemporain. Et puis faire du vin est une autre forme d’art …
IDEAT : En quoi consistent les oeuvres-miroir de La Mise à nu de la société ?
Michelangelo Pistoletto : Nous avons tous besoin de nous reconnaître et d’être reconnus. Le tableau miroir, que j’ai crée dans les années 1960, offre cette possibilité au visiteur car il est à la fois devant l’oeuvre et dedans. Les miroirs présentés à Peyrassol datent de 2020, en pleine pandémie, lorsque le monde s’est refermé sur lui-même. Nous avons la chance de vivre dans une société libre, mais pour combien de temps ? Cette liberté réclame d’être prise au sérieux, et il revient aux artistes de porter ce message.
IDEAT : L’art doit-t-il forcément être engagé pour être valable ?
Michelangelo Pistoletto : Tout acte de création est politique ! Même la non-prise de position est une décision politique, car vous donnez le pouvoir à quelqu’un d’autre. C’est à nous, artistes, de mobiliser la société à travers des actions. Il ne faut pas attendre que cela viennent du système politique traditionnel. La démocratie se reconnaît à la capacité à contrôler la société par le bas.
IDEAT : La Vénus aux chiffons, installée dans la pièce au-dessus du restaurant, ne semble pas tendre non plus avec nos sociétés…
Michelangelo Pistoletto : Cette pièce date de 1967, une période de surconsommation où l’on a appris à acheter puis jeter. La Vénus représente notre mémoire, immuable. Les vêtements qui l’entourent symbolisent un monde en perpétuel changement. C’est comme avec les oeuvres-miroirs où les personnages statiques entrent en tension avec l’image reflétée.
IDEAT : En 1998 vous avez crée la Cittadellarte, une fondation qui propose de changer la société grâce à des projets créatifs. Comment l’art peut-il sauver le monde ?
Michelangelo Pistoletto : La Cittadellarte est un laboratoire pour artistes, scientifiques, activistes, entrepreneurs… C’est une proposition utopique qui marche ! J’ai acheté un terrain dans le Piémont en Italie, et installé des associations pensées comme des usines à fabriquer du tissu social. Nous avons collaboré avec les Nations Unies et de nombreux partenaires à travers le monde. Plutôt que d’attendre la guerre pour exiger la paix, l’idée est de travailler pour un paix préventive.
> Exposition La Mise à nu de la société par Michelangelo Pistoletto est à la Commanderie de Peyrassol jusqu’au 1er novembre 2022.