Cette place du Duomo, la plus célèbre de Milan, il l’a tant dessinée et peinte… Vingt-cinq ans après sa disparition, Aldo Rossi est célébré par une exposition monographique au musée du Novecento, l’un des bâtiments iconiques de la piazza milanaise, presque une évidence. Et si les accrochages consacrés à Rossi architecte ont été nombreux, jusqu’à celui proposé l’année dernière au Maxxi, à Rome, son œuvre de designer, elle, a longtemps été reléguée au second plan…
L’historienne Chiara Spangaro connaît bien cette histoire, qu’elle suit depuis plusieurs années : « Je travaille avec la Fondation Aldo Rossi depuis sa création et, il y a quelques années, à l’occasion de recherches sur l’architecte, j’ai réalisé que l’étendue de son design, malgré sa richesse, n’était que très peu connue. Il y a trois ans, je me suis remise sur le sujet, ce qui a mené à cette exposition », explique la commissaire d’« Aldo Rossi. Design 1960-1997 », proposée jusqu’au 2 octobre.
Aldo Rossi, figure du postmodernisme
Figure majeure et iconoclaste de l’architecture contemporaine, Aldo Rossi (1931-1997) fut un héraut du postmodernisme, un véritable starchitecte qui a œuvré au Japon et aux États-Unis, et qui fut le premier Italien à obtenir le Pritzker Prize, en 1990. Rossi était avant tout un intellectuel qui a exploré des terrains très variés, dont le design. « Nous avons voulu révéler une dimension plus intime, plus joueuse, plus légère du grand théoricien qu’il fut et le grand plaisir qu’il avait à expérimenter le changement d’échelle », précise Chiara Spangaro.
Le musée du Novecento va ainsi dévoiler le lien intense quoique tardif qui unissait Rossi et le design en proposant plusieurs pistes. « D’abord, nous avons voulu montrer que son design et son architecture se basent sur des principes semblables. Rossi a abordé le design de manière très architecturale, dans son esthétique comme dans sa technique. On voit très bien, grâce à ses dessins d’objets et de meubles, qu’il explore les formes selon les mêmes modalités qu’il le faisait pour ses bâtiments », explique l’historienne.
L’exposition se concentre sur les vingt dernières années de sa vie – « Mais nous présentons aussi ses premiers meubles, qui datent de 1960 : une table basse et une étagère dessinées pour une villa privée, dont on a retrouvé la trace », se réjouit la commissaire – dans neuf salles thématiques où l’on passe de productions standards réalisées pour des éditeurs auxquels il est resté fidèle – comme Molteni&C, UniFor et Alessi – à des formes plus abstraites.
La première est consacrée au rapport entre design et architecture, la deuxième révèle toute une série de prototypes. Dans la troisième, le fauteuil Parigi (UniFor, 1989) vient dialoguer avec le service Tea & Coffee Piazza (Alessi, 1983), un ensemble iconique à la saveur abstraite. La quatrième, la plus personnelle, présente l’immense variété d’objets fabriqués par Rossi, ici exposés dans un espace cubique qui rappelle le cimetière de San Cataldo à Modène, son œuvre architecturale majeure, manifeste postmoderne conçu dans les années 70.
Aldo Rossi et le design
Au fil des salles, on redécouvre certains objets et meubles dessinés sur mesure pour des projets d’architecture ainsi que d’autres objets rares, comme des tapis édités puis longtemps oubliés, sur lesquels étaient tissés triangles, cylindres ou sphères, des motifs géométriques chers au maître et que l’on retrouve sur des créations pour le céramiste Richard Ginori, qui ne furent jamais mises en production. Sont aussi montrés des projets spéciaux, comme la bibliothèque vitrée Piroscafo, de 1991, réalisée par Rossi en collaboration avec Luca Meda et récemment rééditée par Molteni&C pour le 30e anniversaire de cette icône.
Des œuvres qui s’inscrivent dans la culture immense qui habitait Rossi, passionné de mythologie, d’histoire, de philosophie… Autant de sources que l’on retrouve dans le catalogue raisonné produit à l’occasion. L’intérêt de cet accrochage, au-delà de la mise au jour d’une figure incontournable de l’histoire du design, réside dans sa mise en relation avec celle des années 80 et 90, période encore sous-évaluée. « Si le dessin de Rossi est le fruit d’une époque, l’exposition montre la tenue et la qualité de ses œuvres, qui rendent son travail intemporel… », conclut la commissaire de cette rétrospective aussi intime que complète.
> « Aldo Rossi. Design 1960-1997 ». Au musée du Novecento, à Milan, jusqu’au 2 octobre. Museodelnovecento.org