Si la nature contribue à nourrir l’imaginaire, c’est qu’elle constitue une source d’observation et d’inspiration infinie autant chez les scientifiques que chez les artistes. En s’emparant de la technique cinématographique, le réalisateur et biologiste français Jean Painlevé (1902-1989) permet à la science de nouer une relation avec la fiction et ainsi d’élargir la notion même de documentaire. Le Jeu de Paume propose en ce moment de (re)découvrir son œuvre dans une exposition d’été au titre évocateur : Les pieds dans l’eau, à la lisière des univers artistiques et scientifiques.
Une poésie visuelle…
Sous le commissariat de Pia Viewing, l’exposition se découpe en quatre grands axes : le littoral comme espace d’expérimentation privilégié, l’approche scientifique du cinéaste, ses relations avec le mouvement surréaliste et enfin les procédés techniques cinématographiques employés. Chaque espace met en lumière l’engagement scientifique et la liberté artistique du cinéaste.
L’entrée en la matière se fait avec le court métrage Les Oursins, réalisé en 1928 sur la côte bretonne où Jean Painlevé réalise ses premiers films sur la faune marine. En un clin d’œil, son univers a déjà imprégné l’atmosphère. La navigation entre les échelles macroscopique et microscopique, lui permet de dévoiler toutes les parties de cet oursin de roche en insufflant une certaine poésie visuelle. En effet, la qualité et la plasticité qui se dégagent de chacun de ses films et photographies exercent une fascination chez quiconque les regardent.
Dans les documentaires, l’éclairage, le montage image et le montage son permettent d’observer les animaux marins d’une toute autre manière que celle permise naturellement. Les crabes, crevettes, étoiles de mer, oursins ou encore bernard-l’hermite se meuvent tels des danseurs et embrassent à merveille les rôles d’acteurs principaux des films de Painlevé.
… qui façonne le regard
Ses choix esthétiques auraient pu s’opposer à la rigueur et la quête d’objectivité que prône la science mais il n’en est rien. Sublimer autant que montrer les phénomènes naturels tels qu’ils sont, voilà le tour de force de Jean Painlevé. Tantôt attaché à l’approche scientifique, tantôt à l’indépendance artistique, il décloisonne les champs disciplinaires pour mieux les juxtaposer et les unir.
Animé par le profond désir de partager ses connaissances, Jean Painlevé, avec l’aide de Gisèle Hamon – collaboratrice et compagne – va réaliser un nombre important de films dédiés à la vulgarisation scientifique. Par la mise en fiction de ses sujets, il renouvelle à la fois le genre documentaire tout en permettant une éducation du regard et le développement de l’esprit critique.
« C’est une mission du cinéma de transmettre à l’homme cette évocation de la Nature » écrivait Painlevé. Avec les changements d’échelle et de rythme qu’il emploie dans ces films, il nourrit la portée pédagogique de son projet en donnant accès à des images inédites, comme celle des battements de coeur d’une crevette ou encore celle des mouvements des acéras.
En parallèle de cette exposition, le Jeu de Paume propose l’exposition Marine Hugonnier, Le cinéma à l’estomac qui fait écho à celle de Painlevé dans la mesure où, cinéaste également, elle traite d’indépendance du regard et d’esprit critique face à la mise en récits des images.
> L’exposition Jean Painlevé, Les pieds dans l’eau est à voir du 8 juin au 18 septembre 2022.