Lubaina Himid réécrit l’histoire de l’art en redonnant leur dignité aux Africains anonymes. Marlene Dumas partage ses émotions au travers de portraits de personnages, célèbres ou non. Quant à Shirley Jaffe, elle a inventé une œuvre abstraite, géométrique et aux couleurs vives. De Londres à Venise en passant par Paris, les musées mettent les femmes peintres à l’honneur.
Lubaina Himid : l’histoire autrement
En octobre 2019, dans la nef du CAPC musée d’Art contemporain de Bordeaux, le visiteur découvrait une centaine de silhouettes grandeur nature, sculptées dans des planches de contreplaqué. Ces figures – copies conformes des serviteurs noirs représentés dans la peinture occidentale des XVIIe et XVIIIe siècles – racontent de nouveau leur histoire par l’intermédiaire d’une bande sonore.
Créée par Lubaina Himid, cette installation intitulée Naming The Money, à l’instar de ses peintures, donne une identité aux inconnus d’hier comme à ceux d’aujourd’hui, migrants et demandeurs d’asile. Née en 1954, à Zanzibar, d’un père comorien et d’une mère anglaise, Lubaina Himid est le fer de lance du mouvement du British Black Art depuis les années 80 et la première artiste de couleur récompensée du prix Turner (2017).
> « Lubaina Himid ». À la Tate Modern, à Londres, jusqu’au 2 octobre. Tate.org.uk
Marlene Dumas : sous la chair
« Mes images sont de seconde main, mes émotions, de première main », déclare Marlene Dumas. Et des émotions, l’artiste née en 1953 au Cap, en Afrique du Sud, alors gangrenée par l’apartheid, en est pleine. La mort, la culpabilité, la violence, le sexe sont autant de thèmes qui traversent son œuvre expressionniste.
Qu’elle puise son inspiration dans la culture populaire (Dead Marilyn), la religion (Magdalena), l’histoire de l’art (Homage to Michelangelo), la littérature (Le Spleen de Paris, de Baudelaire), la mythologie (Venus & Adonis) ou l’actualité (La Veuve, celle du Premier ministre congolais Lumumba, assassiné en 1961), le corps humain est le fil rouge de ce vaste répertoire d’autoportraits, de portraits, de nus, souvent présentés en série. À vérifier dans cette rétrospective riche de plus de 100 œuvres, de 1984 à nos jours.
> « Marlene Dumas. Open-end ». Au Palazzo Grassi, à Venise, jusqu’au 8 janvier 2023. Palazzograssi.it
Shirley Jaffe : un vocabulaire géométrique
Première rétrospective en France de cette Américaine, décédée en 2016, à 93 ans, à Paris, sa ville d’adoption depuis 1949. Proche alors des expressionnistes abstraits, elle abandonna vite cette gestuelle démonstrative pour développer son propre vocabulaire fait de lignes géométriques colorées.
Dans les années 60, elle se met à combiner des formes « comme un chaos organisé, un jeu visuel complexe ». Certains comparent ses tableaux et ses gouaches sur papier aux collages de Matisse. Mais Shirley Jaffe ne coupe ni ne colle : elle appose des morceaux de Cellophane sur la toile pour tester des associations de formes et de couleurs. Ces indications, fournies par ses notes de travail, seront aussi exposées : elles permettent de mieux comprendre le processus de création de cette artiste à la palette si reconnaissable.
> « Shirley Jaffe, une Américaine à Paris ». Au Centre Pompidou, à Paris (IVe), du 20 avril au 29 août. Centrepompidou.fr