Explorer les rues de Madrid, c’est parcourir son histoire à travers l’architecture. Des briques rouges de la Plaza Mayor au style art déco de la Gran Via, la capitale s’est construite dans une mixité architecturale. Où le traditionnel côtoie l’avant-garde. Moins recherché il y a quelques années, le brutalisme a su trouver sa place dans la ville notamment avec la figure de Fernando Higueras.
Le brutalisme, entre fascination et incompréhension
Ponctuant les artères de Madrid, le brutalisme fascine aujourd’hui les voyageurs. Il apparaît entre les années 1950 et 1970. L’Espagne est alors sous l’emprise d’une architecture néo-classique mise en place par le régime totalitaire Franquiste. Le pouvoir affaiblit, un certain nombre d’architectes ripostent avec cette conception architecturale imaginée par Le Corbusier. Brutal, non pas pour sa rigueur mais pour le ciment et le béton brut employés, ce mouvement s’attache à la fonction première d’une habitation. Aux nécessités de l’homme dans sa vie sociale. Les détails et éléments décoratifs sont ainsi subordonnés à cette idéologie qui place l’humain au centre de ses préoccupations.
Le brutalisme en Espagne va porter un regard plus sensible à la construction. Les lignes s’arrondissent et s’orientent vers l’organique. Si l’architecte Saenz de Oiza pousse ce style à son paroxysme avec les célèbres et controversés Torres Blancas en 1969, c’est le madrilène Fernando Higueras qui développe le mouvement avec un regard sensible et émotionnel.
Fernando Higueras et l’architecture émotionnelle
Injustement tombé dans l’oubli, Fernando Higueras fut pourtant dans les années 1960, une figure incontournable de l’architecture avant-gardiste. Seulement deux ans après son diplôme d’architecte, il fut récompensé du Prix national d’architecture pour son projet colossal de La Corona de Espinas. Les fondements de son style sont déjà visibles. Implanté dans le brutalisme, dans la puissance qu’apporte le béton, Fernando Higueras y insuffle un regard artistique. Nous sommes bien éloignés du minimalisme de Mies van der Rohe alors en vigueur. Car l’architecte discret est un véritable esthète qui ne suit aucune mode mais la force de ses émotions. La peinture, la musique, la photographie vont ainsi l’accompagner tout au long de ses projets dans lesquels l’humain et ses besoins sont placés au centre.
Construit en 1972, le Rascainfierno est sûrement le point d’orgue de ses préceptes. C’est après un projet d’habitation sur l’île de Lanzarote avec son ami César Manrique qu’il imagine ce lieu. Sa maison-atelier. À l’opposé des vertigineux gratte-ciel, Fernando Higueras conçoit vers la terre pour conserver et se fondre au paysage. « Gratte-enfer », cette demeure souterraine est pourtant loin des abîmes obscurs. Enfoui à plus de 8 mètres de profondeur, les espaces sont baignés par un puit de lumière et envahis d’une végétation luxuriante. Comme Frank Lloyd Wright quelques années auparavant, l’architecte madrilène relie l’homme à la terre, à la nature dans un esprit résolument moderne.
Depuis sa disparition en 2008, sa femme, la photographe Lola Botia a transformé le lieu en fondation afin de perpétuer l’œuvre de son mari. Un architecte de l’émotion, entre tradition et avant-garde.
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