En juin prochain, Lausanne pourra enfin révéler au public son quartier des musées, avec les trois institutions piliers de ce projet : le musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA), le musée de Design et d’Arts appliqués contemporains (Mudac) et le musée de l’Élysée, consacré à la photographie, définitivement installés dans leurs nouveaux murs.
Un projet qui aura nécessité treize ans d’études, de votation, d’appels à concours, de constructions, de déménagements… « pour rassembler en un seul lieu trois institutions phares parmi les 22 musées que compte Lausanne et leur donner toute la place que requièrent leurs collections », souligne Patrick Gyger, le directeur de Plateforme 10, le nom donné à cette nouvelle entité artistique, qui se déploie sur un site de 25 000 m2. Initialement propriété des chemins de fer, ce territoire situé au cœur de la ville, à deux pas de la gare, était à vrai dire méconnu des citadins. Il s’ouvre aujourd’hui en générant également une vaste esplanade qui profitera à la fois aux musées et à plusieurs entreprises culturelles déployées sous les arcades, au nord du périmètre, et où le public pourra vaquer à loisir, comme dans un parc public.
L’art comme attraction
Un premier bâtiment abritant le MCBA, conçu par l’agence italo-espagnole Estudio Barozzi Veiga, a donné en 2019 un avant-goût de ce nouveau quartier, soit deux ans avant l’édification de celui de l’agence Aires Mateus, qui accueille à la fois le Mudac et l’Élysée. « Nous avons pris le parti de ne proposer qu’un seul bâtiment où chaque institution trouve naturellement sa place. On ne se rend pas compte, mais ce bâtiment, avec ses deux niveaux de sous-sol, est une fois et demie plus grand que celui du MCBA », précisait Manuel Aires Mateus lors de la livraison de l’édifice en novembre. Un projet a priori très simple dans sa perception depuis l’extérieur (un cube ceinturé d’une ligne vitrée), mais qui relève de la prouesse technique avec seulement trois points d’appui soigneusement dissimulés des regards et qui soutiennent le premier étage du complexe.
Les challenges architecturaux sont presque une marque de fabrique à Lausanne, comme en témoigne encore la tour Bel-Air qui, du haut de ses 68 mètres, est le tout premier gratte-ciel de Suisse, érigé en 1931. Déployée à flanc de colline, le long du lac Léman, la ville a dû aussi composer avec la topographie qui oblige souvent à emprunter passerelles, escalators ou ascenseurs. Pour preuve, le quartier du Flon qui s’étend dans une gorge en plein centre-ville. Après avoir longtemps été une zone d’entrepôts – puis un quartier délaissé, pour ne pas dire à éviter –, le Flon est comme ressuscité en devenant aujourd’hui l’un des pôles d’attraction de la ville. Ses commerces et lieux de restauration ciblent une jeune génération qui y arrive désormais facilement en métro.
D’ailleurs, la ligne relie le plus important pôle d’études supérieures, où plus de 20 000 personnes (étudiants, chercheurs et enseignants) se répartissent entre l’Université de Lausanne (Unil) et l’École polytechnique fédérale (EPFL). Extrêmement réputée, cette dernière se distingue aussi pour la très grande qualité architecturale de ses bâtiments conçus par Dominique Perrault, Kengo Kuma et l’agence Sanaa, qui a signé le très médiatique Rolex Learning – un défi architectural déployé sur un seul niveau de 22 000 m2 vitré, compris entre deux couches de béton sans qu’aucun mur ne vienne interrompre le champ de vision. Pas besoin d’être inscrit à l’EPFL pour visiter cette médiathèque, le Learning Center est ouvert à tous.
Tout comme la très récente résidence universitaire voisine, le Vortex, conçue suivant une rampe hélicoïdale qui s’étire autour d’un vaste jardin sur… 2,8 km. À croire qu’il ferait bon être étudiant à Lausanne (35 000 personnes, soit 10 % de la population de la ville) si l’on en juge également le dispositif de la fameuse École cantonale d’art de Lausanne (ÉCAL). Cet établissement, fondé en 1821 et régulièrement classé parmi les dix meilleures écoles d’art dans le monde, est installé depuis 2007 à Renens, dans une ancienne usine textile réhabilitée par l’architecte suisse Bernard Tschumi.
Une superficie de 18 000 m2 pour à peine 600 étudiants, qui, du design à la photographie, bénéficient d’équipements hors pair pour devenir des créateurs accomplis. Qui penserait encore, après cela, que la quatrième ville de Suisse, souvent saluée pour ses ruelles pittoresques et les rives romantiques de son lac, n’a point droit de cité au premier rang des villes d’architecture, de design et d’art ?
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