Au cours de ses études de design aux Beaux-Arts d’Annecy puis à l’École Boulle à Paris, Camille Menard découvre une porosité possible entre art et design pour développer une nouvelle forme de langage. Des objets domestiques transformés en outils critiques, dont la fonction est mise au service d’un discours à la consonance satirique. « J’ai compris que je pouvais inventer mes propres règles », explique Camille, qui fonde alors son studio AGNST Design. Contraction de against, « contre » en anglais, la jeune artiste inscrit dès lors sa démarche dans les pas de designers visionnaires et humanistes. Un « contre-design » qui la lie au designer italien Ettore Sottsass. Contre quoi s’oppose-t-elle ? Contre des objets qui, complices du capitalisme, orientent nos comportements au quotidien. Contre notre société subordonnée à l’image. Celle d’un idéal faussé par les réseaux sociaux et des publicités qui aliènent notre regard.
Une certaine idée du contre-design
Ses idées se concrétisent alors avec son premier projet Self Esteem Shapers, gagnant du prix Audi Talents en 2019 et exposé au Palais de Tokyo en juin 2021. Avec cette collection de trois appareils de fitness, Camille Menard interroge les dérives « d’un lifestyle qui invite à penser le corps comme une vitrine, celle de nos compétences au regard d’un système capitaliste ». À première vue, ces machines aux couleurs séduisantes sont de simples objets domestiques destinés à l’effort physique. C’est en action que l’attirail révèle tout son sens.
Le Pulldown Check-up Mirror est une station de musculation dont un miroir placé en hauteur s’abaisse à chaque traction et permet de mesurer son niveau de narcissisme. La Brain Dropping Remote, elle, est une télécommande TV sur pieds qui zappe les chaînes en tirant sur la poignée d’un seul et même bras. Ce geste forcené entraînant une gonflette asymétrique du biceps est une critique manifeste sur notre consommation illimitée d’images. Quant au Wind Biking Selfie, il s’agit d’un vélo d’appartement qui, en pédalant déclenche un ventilateur. Cheveux au vent, l’usager simule une sortie sportive en partageant un « selfie », pour éprouver le système d’approbation et d’enrôlement sur les réseaux sociaux.
Camille Menard révèle
Elle éveille, avec ironie, notre conscience en nous confrontant à cette réalité : le conditionnement de nos comportements que produisent certains objets du quotidien. Par l’exploration de ces thématiques, la designer rouvre le domaine vers le genre du design critique et réflexif. Son prochain sujet ? L’accélération des rythmes de vie qu’engendrent les nouvelles technologies. Avec la Batterie Nomade Sédentarisée, sous la forme d’un boulet à trainer à la configuration évolutive, Camille Menard confronte l’Homme au piège des objets connectés. Une promesse de liberté et d’un gain de temps dont la finalité, plus que de satisfaire l’existence, nous asservi à une constante hyper-connexion.