Quand le Centre des monuments nationaux a proposé une carte blanche à Françoise Pétrovitch, la plasticienne française a eu le privilège d’investir le site de son choix. Parmi les 100 édifices historiques gérés par l’opérateur public, ni une ni deux, l’artiste opte pour la villa Savoye : une véritable icône corbuséenne mais surtout une « maison moderniste assez éloignée de [son] langage plastique », à la fois figuratif et sensible, parfait pour entrer avec friction avec « cette architecture proche de l’abstraction, qui est souvent perçue comme froide et désincarnée ».
Avant de concevoir la quinzaine de pièces qui rythme l’exposition, Françoise Pétrovitch s’est d’abord nourrie des échanges entre l’architecte suisse et Eugénie Savoye, commanditaire des lieux en 1928 qui s’impliqua jusque dans l’emplacement des prises électriques. De ce souci du quotidien, naît chez l’artiste l’envie de réveiller la dimension domestique des lieux, habituellement cachée derrière la force et la radicalité de l’architecture. Près de deux ans après avoir initié ce projet, elle s’approprie donc tous les espaces d’habitation, particulièrement les plus intimes, avec des œuvres en grande partie taillées sur-mesure.
Figures humaines et animales
« Pour s’accorder à la matité des murs en béton », des toiles, et non des dessins (pourtant si présents dans la carrière de Françoise Pétrovitch), épousent parfaitement les dimensions d’une tablette ou de niches existantes. Indissociables de son travail depuis les années 1990, ces figures humaines et animales s’habillent d’ailleurs de la gamme de couleurs Salubra développée par Le Corbusier en 1931, puis augmentée en 1956. Les bleus outremer, terre de sienne ou céruléens ricochent entre les œuvres et les espaces au cours d’une balade picturale mais aussi sonore. Médium plus rare parmi les précédents travaux de l’artiste, une vidéo délivre une bande-son envoûtante en même temps qu’elles égraine croquis et esquisses juste au-dessus de la baignoire destinée au fils des Savoye.
D’une modernité intacte, avec son volume ouvert sur la chambre des parents, la salle de bains de ces derniers accueille cette fois un Garçon à la poupée. Un bronze qui répond à Jane, disposée à l’entrée, sous le péristyle du vaisseau qui condense pour la première fois les cinq préceptes chers à Charles-Edouard Jeanneret : Une structure sur pilotis chapeautée d’un toit terrasse, tout en usant d’un plan libre, de façades non-porteuses et de fenêtres bandeaux. Tombé en ruine durant la Seconde Guerre Mondiale avant d’être classé monument historique au mi-temps des années 60, le bâtiment moderniste retrouve aujourd’hui un semblant de vie, notamment grâce au céramiques qui peuplent la cuisine et le boudoir.
Le bestiaire de Pétrovitch s’invite chez Le Corbusier
En grès émaillé, des gants posés nonchalamment sur un rebord de fenêtres cohabitent avec un oiseau, un chat et un poulpe. Autant de personnages qui viennent s’ajouter au bestiaire constitué par Françoise Pétrovitch depuis les années 90. « Répertoire de formes infinies », le monde animal ne cesse définitivement d’irriguer son œuvre. Pour preuve, les dalmatiens et les oiseaux qu’elle expose actuellement en parallèle, dans l’enceinte parisienne de la galerie Semiose.
> « Habiter la villa », une exposition de Françoise Pétrovtich, à découvrir jusqu’au 24 janvier 2021 à la villa Savoye, 82, rue de Villiers, 78 300 Paris. villa-savoye.fr