En 2018, Agent M fait montre de tout son talent à la Fondation Carmignac. Lorsque les visiteurs débarquent sur l’île de Porquerolles pour accéder à ce nouveau temple de l’art contemporain, c’est l’agence pluridisciplinaire qui les guide à travers la végétation méditerranéenne. Tous réalisés en acier corten, des casiers pour les sacs à dos, des supports à vélos et un portail monolithique mènent discrètement jusqu’à l’ancienne villa reconvertie en musée privé. A l’intérieur, le cabinet parisien signe également la boutique du lieu dans une épure mêlant sol en pierre et mobilier en chêne massif. Parmi les rayonnages et les ouvrages d’art, on retrouve notamment le catalogue de la Fondation, lui aussi conçu par Agent M. De même que les bouteilles de vin qui renferment les crûs du domaine local.
Cette pratique transversale, l’agence la cultive depuis sa naissance en 2005, sous l’impulsion de son fondateur, le designer et architecte d’intérieur Matthieu Paillard. Doté d’une solide réputation grâce à une première carrière outre-manche, il entend ouvrir le design à d’autres champs d’expérimentation. Commence alors une série de collaborations avec une série de galeries et d’artistes, dont le photographe et plasticien Philippe Ramette. En l’accompagnant dans la réalisation de ses installations, Agent M développe sa première spécificité à travers l’exécution d’oeuvres d’art monumentales. Au Centre Pompidou, sous la coupole des Galeries Lafayette ou encore à Nice, où l’agence a récemment déployé quatre sculptures mesurant jusqu’à 85 mètres de long.
Au fil des ans, l’agence ne cesse de se frotter à l’art contemporain tout en s’ouvrant à d’autres domaines d’activité. Dans la capitale, au Musée des Arts Décoratifs ou durant la Paris Asian Art Fair, les projets de scénographie se déclinent à travers l’édition de catalogues, la réalisation de chartes graphiques ou des projets de signalétiques. « Des missions d’habitude traitées séparément, alors qu’elles permettent de créer l’unité de tout un programme » selon Matthieu Paillard, aujourd’hui associé au designer Guillaume Ternard et à Nicolas Hoffmann, spécialisé dans l’identité visuelle depuis son passage à la direction artistique de Beaux-Arts Magazine. Grâce à sa complémentarité, le trio enchaîne les projets hybrides, le plus souvent à Paris, comme au sein de la Tour Cristal, l’une des plus emblématiques du quartier de Beaugrenelle.
Au pied des 29 étages, l’agence s’affaire actuellement à transformer l’entrée du bâtiment des années 1990. Objectif ? La rendre plus attractive, avec un nouvel espace en double hauteur qui soit à la mesure de la tour. En façade, des vitrages plus clairs tirent un trait sur l’ancienne atmosphère lugubre tandis qu’au sol, le calepinage fait écho au nouveau logo du bâtiment, également dessiné par Agent M. Car en plus de rénover l’accueil et les salles de réunions attenantes, l’agence a revu toute la signalétique et l’identité visuelle de l’immeuble. Mais la pièce maîtresse du projet se trouve bel et bien dans le lobby : savamment éclairé, un bas-relief en plâtre s’étire sur 15 mètres de long pour composer une fresque monumentale. A tel point qu’elle sera visible depuis l’autre rive de la Seine, afin de faire « léviter » la tour au-dessus d’un bandeau de lumière.
Dans ses derniers projets, l’agence démontre un certain attrait pour le plâtre. Un matériau qu’elle n’hésite pas à coupler à de la chaux et des minéraux pour obtenir une solidité proche du marbre. Après une série de voûtes immaculées, façonnées dans un immeuble des Champs Elysées ou à l’entrée des bureaux de Facebook, Agent M exploite à nouveau sa plasticité à l’appel de l’architecte Philippe Chiambaretta. Dans une antenne de la Banque Lazard aménagée par ce dernier, un lustre en forme de dôme s’apprête à réunir quelques 340 écailles en staff pour donner toutes ses lettres de noblesses à l’entrée du lieu.
« En plâtre résiné et moulé, les centaines de pétales traitent la lumière et l’acoustique dans un même geste. Le projet résume aussi la démarche de l’agence, avec un objet à mi-chemin entre le design et l’architecture qui souligne la personnalité de l’espace » précise Matthieu Paillard. Inspirée par la résille de verre qui recouvre le bâtiment, la forme des écailles témoigne aussi d’une approche contextuelle : « Le respect du lieu est primordial. Il n’y a jamais de gestes gratuits. A chaque fois, l’intervention se doit d’être mesurée pour garantir la pérennité du projet. » Actuellement en cours de finalisation dans le VIIIe arrondissement de Paris, la valorisation de l’îlot Edouard VII en est certainement l’un des meilleurs exemples.
Pour requalifier ce quartier d’affaires avec un esprit plus vivant et commerçant, Agent M décide d’apporter de la lisibilité dans la rue via un piano de couleurs qui habille les différentes devantures. Tout aussi graphique, un travail de ferronnerie complète l’opération par la création de nouvelles grilles rehaussées de dorures. Si elles ont été réalisées dans un vocabulaire contemporain, avec leur torsades et leurs attaches creuses, elles s’intègrent sans heurt parmi le patrimoine parisien. Une qualité à laquelle Agent M ne pourra pas déroger lors de son prochain projet : la signalétique du futur musée de l’Hôtel de la Marine.