Tendance : Deux artistes qui renouvellent l’art du portrait

Une jeune fille de Corinthe éclaire de sa lanterne le visage de son amoureux, avant de dessiner sur la paroi le profil adoré, en conservant ainsi l’image à tout jamais. Telle est la légende que rapporte l’écrivain Pline l’Ancien dans son Histoire naturelle, écrite au Ier siècle après JC. Un mythe qui serait à l’origine de l’art du portrait, toujours bien vivant quel que soit le médium. Au XXIe siècle, le Nigérian Lakin Ogunbanwo et les Italiens de Miaz Brothers perpétuent cette tradition millénaire. Les visages photographiés par Lakin Ogunbanwo (né en 1987, à Lagos) sont souvent dissimulés. Ces masques faits de tissus ou de morceaux de Scotch transforment ses portraits – pourtant cadrés classiquement à la manière de Seydou Keita ou de Malick Sidibé – en de véritables énigmes. Inspiré à la fois par les icônes de la mode et de la musique pop, ses tirages explorent toute la gamme des couleurs chaudes.

Him to You (2018), un portrait de Lakin Ogunbanwo. Niki Cryan Gallery (Lagos).
Him to You (2018), un portrait de Lakin Ogunbanwo. Niki Cryan Gallery (Lagos). DR

Sacré en 2015 par le mensuel londonien British Journal of Photography comme l’un des 25 talents à suivre, Lakin Ogunbanwo n’a qu’une ambition : préserver sa culture. Il consacre ses premiers travaux aux couvre-chefs traditionnels, symboles des tribus, mais aussi révélateurs des positions de chacun dans la société. Une façon simple et efficace de questionner le patriarcat en Afrique, voire, plus généralement, la masculinité et l’identité.

Des millions de points juxtaposés

Le duo formé par Roberto et Renato Miaz, des frères originaires de Milan nés respectivement en 1965 et 1968, est devenu célèbre pour ses portraits floutés, au croisement de la peinture et de la photographie. Issus du monde de la vidéo, les deux frères composent leurs images à l’aide d’un aérographe, sorte de pistolet miniature avec lequel ils pulvérisent des couches d’acrylique sur des toiles grand format. Ces millions de points juxtaposés rendent troubles les lignes, effacent les contours.

Young Woman 25 (2018), un portrait des Miaz Brothers. Galerie Wunderkammern (Rome, Milan).
Young Woman 25 (2018), un portrait des Miaz Brothers. Galerie Wunderkammern (Rome, Milan). DR

Seules les couleurs permettent de deviner les portraits fantômes de leurs proches ou de certains philosophes dont ils évoquent la disparition progressive. Car les Miaz s’intéressent davantage à la perception qu’à la représentation. Et, ce faisant, ils proposent au spectateur une véritable expérience visuelle. L’art du portrait réinventé…

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