Entre océan Pacique et mer des Caraïbes en Amérique centrale, San José n’est pourtant pas la chouchoute des touristes. Et c’est bien dommage ! Victime de son image de ville dangereuse, décrépite, la capitale du Costa Rica renaît aujourd’hui de ses cendres, révèle son agréable géographie, sa douceur et son exotisme inscrits dans ses parcs et son architecture tropicale des XIXe et XXe siècles. Fondée en 1738 à partir d’un noyau d’habitations noyées dans les plantations de café, la cité s’écoule sur 50km d’est en ouest autour de 1100mètres d’altitude. Si le centre historique concentre en partie les monuments autour de la place de la Culture –dessinée par l’architecte Jorge Bertheau et inaugurée en 1982, elle comprend notamment le musée de l’Or (souterrain)–, bien d’autres édifices remarquables se cachent dans les zones vertes des barrios (quartiers) d’Otoya, d’Escalante, d’Amón, de La Sabana ou de Santa Ana.
Grisée par la modernité de l’Europe au milieu du XIXe siècle, la riche oligarchie des planteurs a commandés ces bâtiments sur plans à des ingénieurs belges, français ou allemands. Certains bâtiments ont d’ailleurs été acheminés en kits par bateau, tel l’Edificio Metálico, élégante dentelle de métal inspirée de l’architecture de Gustave Eiffel, forgée en 1891 par la fonderie belge Aiseau. L’ingénieur Charles Thirion en a fait assembler chaque élément sur place en 1898, face au mafignique parc Morazán. C’est sur un plan réalisé à Paris que le délicat Castillo Azul (1908) a été construit en béton armé par Alfredo Andreoli, tandis que l’Edicio Knöhr (Purdy Engineering, 1914), ancien grand magasin abritant désormais différents commerces, s’appuie sur une structure en béton armé et en fer importée d’Allemagne.
La cathédrale métropolitaine s’orne depuis 1914 de douze vitraux français, et le fameux Théâtre national (Antonio Varela, 1897), de style rococo, dévoile des plafonds peints exécutés en Italie –d’où ces détails amusants mais erronés de la vie «rêvée» sous les Tropiques. Paré de tours et de coupoles, l’immeuble des postes et télégraphes du Costa Rica (Lluis Llach, 1917), de style néo-Renaissance, force l’admiration, tout comme le théâtre populaire Melico Salazar (José Fabio Garnier, 1928), récemment sauvé de la destruction, dont les colonnades blanches répondent aux édifices Art nouveau voisins. Les années 30 à 70 ont vu fleurir les architectures Art déco et Bauhaus, dont le kiosque à musique bâti par Victor Sabater en 1944 devant la cathédrale ou le superbe bâtiment de la Bibliothèque nationale Miguel Obregón Lizano, en cours de restauration.
On peut aussi observer des immeubles administratifs brutalistes, telles la Cour suprême de justice (Eugenio Gordienko Orkich et Hernán Arguedas Salas, 1966) et la tour Jenaro Valverde Marín (Alberto Linner Diaz, 1978), abritant le siège de la Sécurité sociale, de même que de riches maisons de style californien dans le quartier de Los Yoses, parmi lesquelles celle que l’architecte Enrique Maroto a construite en 1953 et qui abrite de nos jours une agence… d’architecture. Au plus haut du carré historique, les tours crénelées du Musée national dominent la place de la Démocratie (1989), en regard du musée du Jade (Diego Van der Laat, 2014), dont la façade en céramique imite la pierre semi-précieuse.
Cet éclectisme est un régal, bien que de nombreuses bâtisses aient été transformées en parkings ou se soient muées en voluptueuses ruines. Car, fait incroyable, la municipalité de San José a été désertée durant près de cinquante ans. Incompréhensible paradoxe au Costa Rica, qui, avec 5 millions d’habitants, bénéficie d’un excellent niveau de vie et d’éducation ainsi que d’une stabilité politique rare en Amérique latine.