Né à Kirkkonummi, ville du sud de la Finlande proche d’Helsinki, en 1910, Eero Saarinen a toujours évolué dans un univers où la créativité était reine. Son père, Eliel Saarinen, était architecte et directeur de l’Académie de Arts de Cranbrook (Michigan, États-Unis), et sa mère Loja Gesellius, une designer textile reconnue. Très jeune, il développe un fort attrait pour le milieu artistique dans lequel il baigne depuis l’enfance. En 1930, il étudie tout d’abord la sculpture à l’Académie de la Grande-Chaumière à Paris, avant de rejoindre l’université de Yale pour trois ans, afin de suivre un cursus axé sur l’architecture. Après l’obtention de son diplôme en 1936, il collabore avec son père au Cranbrook Architectural Office, où il rencontre Charles Eames ainsi que la future designer et éditrice Florence Knoll.
Une importante collaboration avec Knoll
Eero Saarinen s’illustre tout d’abord dans l’architecture mais contribue aussi grandement au développement d’un mobilier contemporain de ses bâtiments. Dès 1940, il remporte un prix aux côtés de Charles Eames pour la conception d’une assise, à l’occasion de l’« Organic Design in Home Furnishings », organisé par le MoMA à New York. Confortable et dotée d’une coque en mousse renforcée de contreplaqué, leur Womb Chair est éditée à partir de 1948, à la demande de Florence Knoll. La chaise s’ancre ainsi dans le mouvement de la seconde génération des modernistes, dont Saarinen devient l’un des leaders.
Knoll venant de se séparer de son directeur artistique Jens Risom (1916-2016), Florence Knoll voit en Saarinen le designer qu’il lui faut pour le remplacer : après s’être rencontré durant leurs études, elle lui a déjà passé de nombreuses commandes. Leur première collaboration se matérialise par la Grasshopper Chair, Model 61 (1946), une chauffeuse en contreplaqué moulé et cintré qui rappelle une sauterelle (grasshopper, en anglais). Ce premier projet est couronné de succès et marque le début d’un long partenariat entre Saarinen et Florence Knoll, dont la société est encore à ce jour la seule à produire le mobilier développé par le designer.
Par la suite, Knoll fait régulièrement appel à lui. Il crée alors consécutivement la Table Saarinen et la Tulip Chair (1956) qui se caractérisent par un pied unique aux formes organiques. Toutes deux étant conçues pour aller de pair, elles forment un duo phare du design industriel. La continuité du piètement de la Tulip, qui se transforme en assise grâce à l’emploi de fibre de verre, transpose à une échelle plus réduite le style architectural de Saarinen puisque, bien souvent, les éléments de ses constructions sont fusionnés en un ensemble unique.
Un style architectural en harmonie avec le Nature
Si c’est auprès de son père qu’il fait ses premières armes dans le monde de l’architecture, très vite, un clivage entre le style des deux hommes se profile. Cela ne les empêche pourtant pas de travailler ensemble, même si le fils participe à différents projets sans son père. Le paroxysme de leur scission esthétique s’observe lors d’un concours en 1945, qui prend place à Saint-Louis (Missouri). La consigne est simple : il s’agit de créer un monument en hommage aux pionniers de la Conquête de l’Ouest ainsi qu’à Thomas Jefferson. Père et fils participent tous deux à ce projet mais présentent leur contribution chacun de leur côté ; et c’est le dessin de la Gateway Arch d’Eero Saarinen qui remporte la mise.
Les grands projets architecturaux
La mort de son père, en 1950, marque un véritable tournant dans son œuvre. S’il reprend l’entreprise paternelle, qu’il renomme « Eero Saarinen and Associates » afin d’y apposer sa touche personnelle, des changements formels s’opèrent. Au fil des années, il passe en effet de structures rectilignes à des lignes courbes et contre-courbes. Cette ère nouvelle est celle de projets de grande envergure. Eero Saarinen s’affirme et se pose alors, pour reprendre les mots du spécialiste Pierluigi Serraino, comme un « concepteur de projets hors-normes ». Le style architectural d’Eero Saarinen est singulier et se reconnaît facilement par ses formes organiques, voluptueuses. Il crée une multitude de bâtiments aux vocations diverses : des sièges sociaux, des habitations privées, des annexes pour les universités du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ou de Yale, ou encore pour l’aéroport de Washington-Dulles…
Les fifties voient naître le vaste General Motors Technical Center (1956) et ses cinq pôles d’activités distincts qui entourent un bassin central. Quelques années plus tard, il construit la North Christian Church (1959), à Colombus, dans l’Indiana, qu’il considère comme l’une de ses créations les plus abouties. Par la suite, le bâtiment, qui se démarque largement des autres constructions de son temps, inspirera d’autres architectes qui copient sa structure. De forme hexagonale semi-enterrée, elle est composée de six arcs d’acier qui maintiennent un toit à six pans et forment finalement une flèche haute de 59 m.
Dans la continuité de ces édifices qui mobilisent un espace vertical ou horizontal considérable, Eero Saarinen poursuit ses créations de sièges sociaux et érige ainsi le Bell Labs Holmdel Complex (1962) et le CBS Building (1965) à New York. Il conçoit également un spectaculaire terminal pour la compagnie Trans World Airlines à l’aéroport JFK de New York (1962), aujourd’hui rénové à l’identique et transformé en hôtel.
À sa mort, en 1961, ses associés reprennent le cabinet d’architecture, achèvent les projets en cours, et le rebaptisent de leurs noms. L’héritage d’Eero Saarinen subsiste cependant dans son mobilier, toujours édité par Knoll et dont la Tulip demeure un best-seller. Saarinen a laissé à l’architecture et au design une empreinte singulière faite de modernité américaine et de sens de la Nature hérité de sa Finlande natale.
> Plus d’informations et de photos de l’œuvre d’Eero Saarinen sur le site de la foundation.