Au milieu de ses réserves, entre un trône de l’empereur François-Joseph et le bureau élyséen de Napoléon III, le Mobilier National a devancé de quelques jours le salon Maison&Objet 2020 pour dévoiler la collection « Hémicycle ». Avec ses quatre modèles d’assises, elle constitue la première gamme développée main dans la main par la manufacture historique et l’éditeur Ligne Roset. Un partage des compétences entre les maîtres-artisans de l’un et le bureau d’études du second, qui s’est noué en 2016 autour du designer Philippe Nigro.
Entre le Mobilier National, qui fait appel aux designers depuis les années 60 afin de meubler les hauts lieux de la République, et la maison Ligne Roset, des signatures communes ont déjà existé. Mais à la différence de Roger Tallon ou Pierre Paulin, Philippe Nigro unit au sein d’un même projet leurs savoir-faire : d’une part, l’expertise du garnissage que développe Michel Roset depuis 1973. Et de l’autre, le travail du métal que l’institution nationale pousse vers l’excellence depuis sa naissance en 1604. Le tout pour façonner le piétement et le revêtement d’un fauteuil, d’un canapé, d’un confident et d’un vis-à-vis, pensés comme autant de faire-valoir du design à la française.
Le point commun entre les assises Hémicycle ? Des lignes sinueuse et accueillantes, dont l’entrelacement rythme chaque dossier. Ponctués par des jeux de hauteur, symétriques ou non, ces enchevêtrements soulignent les courbures des différentes pièces tout en explorant, sous une nouvelle lumière, le principe d’imbrication déjà expérimenté par Philippe Nigro et Ligne Roset avec le canapé Confluences (2008). Sous l’influence du designer installé entre Paris et Milan, « Hémicycle » opte également pour un format compact, adapté aux entrées des ministères et des ambassades comme aux superficies plus restreintes, à contrario des meubles d’apparat habituellement réalisés par le Mobilier National.
Fonctionnelle et élégante, « Hémicycle » s’ouvre à la production en série grâce à la participation de Ligne Roset, mais n’en reste pas moins réservée à une clientèle privilégiée. En attestent ses finitions piochées parmi les collections de cuir et de tissus les plus raffinées de l’éditeur. Trois mois après avoir inauguré L’Appartement, un showroom lyonnais plus confidentiel et réservé à une offre exclusive, la marque entérine ainsi son positionnement haut de gamme, tandis que le Mobilier National mise sur une politique de coédition inédite pour faire rayonner ses savoir-faire à l’international, Ligne Roset réalisant actuellement 70 % de son chiffre d’affaires à l’étranger.
Avec « Hémicycle », Philippe Nigro revisite le fauteuil confident apparu au XVIIIe siècle, mais les meubles à secrets ne sont pas en reste. Le Mobilier National et le designer ont en effet profité de l’occasion pour dévoiler « Armadillo », une ligne qui réinterprète les secrétaires à tiroirs cachés, avec un buffet et deux colonnes de rangement à l’ouverture mystérieuse. Aucune poignée ne ponctue leur enveloppe : pour révéler le contenu, il suffit d’enrouler leurs façades composées de plus de 700 pièces de bois. De véritables carapaces articulées, présentées en hêtre et en noyer, et dont la souplesse a nécessité plusieurs années de recherches. Un minimum pour donner vie à des pièces uniques.