Interview : Les bons offices d’Olivier Saguez

Le designer et fondateur de l’agence de communication et de design Saguez & Partners porte un regard sans fard sur l’évolution du bureau, de la ville et de nos modes de vie.

Entre Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et vous, c’est une longue histoire. Cette ville est-elle votre laboratoire ?
Olivier Saguez : Je suis très attaché à Saint-Ouen, j’ai un peu l’impression d’en être le deuxième maire ! Nous sommes ici depuis quinze ans et, depuis trois ans, installés à la Manufacture Design. L’agence est très impliquée dans la cité, avec un engagement social très fort. Nous soutenons des associations locales, nous leur ouvrons nos portes… Je m’intéresse fondamentalement à cette ville car elle est une terre d’expérience formidable sur tous les grands sujets : le développement durable, les nouvelles mobilités, le coliving… Pour un designer, dont le travail est d’aborder les usages, être au coeur des transformations qui s’opèrent ici est passionnant ! À l’exemple du conseil régional d’Île-de-France (qui, en 2018, a déménagé de Paris à Saint-Ouen, NDLR), une formidable aubaine pour la ville, qui s’intègre dans un ensemble de projets.

La Manufacture Design a déménagé en 2016 dans une ancienne halle de la ville de Saint-Ouen.
La Manufacture Design a déménagé en 2016 dans une ancienne halle de la ville de Saint-Ouen. Saguez & Partners

Par exemple ?
L’arrivée de la ligne 14, le village olympique, qui sera implanté le long de la Seine, la rénovation du stade Bauer, à laquelle nous participons, tout comme la création du campus hospitalier Grand Paris Nord, ou encore l’installation d’une halle gourmande, dans la continuité de la Manufacture Design…

Comment avez-vous appréhendé le projet du conseil régional ?
Je partage l’idée de Roland Castro, qui, depuis plus de trente ans, veut implanter les ministères dans les banlieues, mettre l’Éducation à Pantin et la Police à Sarcelles… Installer le conseil régional d’Île-de-France à Saint-Ouen est courageux. J’ai pensé qu’il fallait le faire avec probité, dans l’intérêt des fonctionnaires et de la ville. Le design, pour moi, est avant tout un acte social. Jean Prouvé n’a pas fait du mobilier pour les élites, même si on se l’arrache à prix d’or aujourd’hui, mais bien pour le peuple…

Olivier Saguez, designer et fondateur de l’agence de communication et de design Saguez & Partners
Olivier Saguez, designer et fondateur de l’agence de communication et de design Saguez & Partners DR

Comment envisagez-vous l’évolution des lieux d’activité ?
S’il doit offrir l’environnement nécessaire pour travailler, le bureau doit aussi être inspirant. Il doit donner de la force, de l’énergie pour nous transcender. Parfois, il faut savoir être très simple, ou, à l’inverse, très sophistiqué, en proposant aussi des cafétérias ou des restaurants confortables et de qualité.

« Etre généreux dans les projets »

Est-ce que l’on n’assiste pas à un glissement de plus en plus marqué de l’univers du bureau vers la déco ?
C’est important de donner du goût, des codes urbains actuels, sans tomber pour autant dans le pseudo-décontracté ou dans le « bobo » un peu facile… Je suis contre la mode et l’air du temps, qui sont ennuyeux. Quels que soient nos projets, qu’il s’agisse du conseil régional d’Île-de-France ou du siège des parfums Christian Dior, à Neuilly, même si les moyens et les styles sont différents, le but est le même : le bien-être de ceux qui y travaillent.

L’accueil de la Manufacture Design et son salon « comme à l’hôtel » grâce au partenariat avec Vitra.
L’accueil de la Manufacture Design et son salon « comme à l’hôtel » grâce au partenariat avec Vitra. Saguez & Partners

Mais le bien-être est-il compatible avec les nouveaux espaces de travail, comme le flex office ?
Interroger le flex office, c’est un peu se demander s’il vaut mieux avoir une maison de campagne à soi ou profiter de plusieurs lieux à partager… Avec cette approche, je dispose de multiples surfaces qui m’offrent des ambiances, des aménagements et des postures de travail différentes. Ça permet de bouger – c’est très important  –, de s’aérer sur une terrasse ou un jardin, de créer du lien… Partager n’empêche pas de choisir ses propres endroits et d’y revenir. En revanche, le flex office implique d’être bien pensé, pour que chacun y trouve son compte. Il faut des espaces de réunion pour des prises de décision rapides, d’autres pour pouvoir téléphoner sans déranger, des « zen zones » pour travailler sans appels ni conversations autour… Le bureau est un lieu social, il faut lui apporter des services – de conciergerie, pour le sport, les livraisons – mais pas de gadgets…

La « matériauthèque » de l’agence Saguez & Partners.
La « matériauthèque » de l’agence Saguez & Partners. Saguez & Partners

Lieu de travail, hôtellerie ou habitat : même combat ?
Dans son évolution, le bureau s’est beaucoup inspiré et rapproché de l’hôtellerie. Le phénomène de l’espace partagé et modulable y est très présent, avec le bar ou le restaurant, qui sont aussi des espaces de coworking… Dans le domaine du logement, je trouve qu’on a été radins envers les habitants, en leur offrant peu d’espaces communs. Ce n’est pas tant une question de moyens, que d’intention, de volonté. Le coliving, c’est proposer une laverie commune, un espace pour les enfants, pourquoi pas une chambre à partager dans l’immeuble pour accueillir famille ou amis. Il faut être généreux dans les projets, ça ne coûte finalement pas grand-chose…

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