Vous êtes arrivée à Marrakech il y a quatre ans. Qu’est-ce qui a poussé la jeune femme belge à s’installer ici ?
Laurence Leenaert (LRNCE) : J’ai étudié la mode à l’Académie royale des beaux-arts de Gand, en Belgique, où je me suis spécialisée dans les accessoires. Quand je suis arrivée à Marrakech, c’était avec l’idée de concevoir des sacs avec des matériaux locaux. Le fait d’être loin de tout – de ma famille et de mes amis – m’a aidée à me concentrer sur mon travail. Je suis venue pour six semaines et finalement je suis restée ! Je vis près du musée Yves Saint Laurent, dans le quartier des artisans, où sont installés de nombreux marbriers et menuisiers… C’est un environnement très reposant.
Un environnement qui a aussi influencé votre style. Comment le Maroc a-t-il agi sur votre processus créatif ?
C’est la lumière marocaine qui m’importe par-dessus tout. J’aime le soleil, les palmiers… Mais c’est au fur et à mesure de mes rencontres avec les artisans, les outils, des textiles, les techniques de tissage que j’ai lentement évolué vers la décoration. Si j’étais restée à Bruxelles ou si j’avais déménagé à Paris, par exemple, j’aurais probablement continué à travailler dans la mode. S’adapter à son environnement est essentiel !
Quelles sont vos autres sources d’inspiration ?
J’admire les artistes Jess Fuller et Leo Gabin et les créateurs de mode Sunnei et Rejina Pyo. En architecture, je m’inspire du travail de Luis Barragán, de ses couleurs chatoyantes et de ses lignes modernistes. Je voyage aussi beaucoup. J’adore vivre à Marrakech, mais j’ai besoin de quitter la ville tous les trois mois pour voir autre chose, et pas forcément en Europe, au contraire. J’adore aller en Inde, j’aimerais beaucoup y vivre pour approfondir mes connaissances sur l’artisanat incroyable de ce pays. En ce moment, je découvre l’Asie, et je m’envole pour Bali dans quelques semaines.
Qu’est-ce qui guide le dessin de vos vêtements ?
Je ne dessine que ce que j’aimerais porter au quotidien. D’ailleurs, la plupart de mes vêtements sont des pièces uniques que je conçois pour moi, déclinées ensuite dans de très petites collections et vendues uniquement dans notre boutique de Marrakech. Les Marocains m’inspirent énormément. J’aime la façon dont les hommes s’habillent ici, en djellaba et baskets. Ils n’ont pas peur de la couleur et les plus âgés vont encore se vêtir chez les tailleurs. J’adore !
Vous créez des objets de déco mais aussi des vêtements. Quels sont les points communs et les différences entre ces deux univers ?
Je suis très ouverte, et surtout, je veux rester libre, ne pas être obligée de choisir. Je prends le même plaisir à faire les deux, j’y mets les mêmes émotions et les mêmes valeurs. Je tiens à dessiner des pièces joyeuses, faites à la main. D’ailleurs, j’applique souvent le même motif en mode et en décoration. Cependant, le vêtement oblige à prendre en compte davantage de paramètres, et parmi eux le confort et la dimension pratique. Actuellement, je m’oriente plutôt vers des pièces oversize. Je dessine notamment beaucoup de kimonos, que j’habille de broderies réalisées à la main.
Les objets constituent-ils la part essentielle de vos revenus ?
Oui, mais même si je ne fabrique pas de pièces uniques, je porte une attention toute particulière au choix des boutiques qui distribuent mes collections. J’en compte à ce jour une douzaine, et c’est déjà très bien. Neuf personnes travaillent dans mon studio et je collabore avec trente-cinq artisans spécialisés en broderie, tapis, céramique… Je suis très attachée à l’idée de rester une entreprise artisanale.
Rançon du succès, votre style est très copié. Comment réagissez-vous ?
C’est le problème que pose Instagram. L’outil est idéal pour toucher des personnes dans le monde entier, mais certains s’en servent parfois comme une source directe d’inspiration, à l’image d’une série d’échantillons à copier. Je consacre beaucoup d’énergie à mon travail, j’y mets toute mon âme, et certains plagient mes créations comme si ce n’était rien. Sincèrement, je trouve ça horrible.
Quels sont vos projets ?
Je vais ouvrir un nouveau lieu dans un riad de la médina, qui devrait accueillir un restaurant, mon studio ainsi qu’une boutique. Je travaille également sur des partenariats avec des hôtels situés en Italie mais, surtout, je prends les choses comme elles viennent. Et si la mode représente aujourd’hui une petite part de mon activité, je sais que tout peut évoluer du jour au lendemain !