Quel a été votre parcours ?
Amelia Tavella : Je suis née en Corse et cela a beaucoup influencé ma vie. Quand on grandit sur une île, il arrive un moment où on est obligé d’en partir. Je suis donc allée à Paris pour étudier l’architecture et je me suis retrouvée dans un contexte urbain, à l’opposé à ce que je connaissais. Malgré tout, j’en suis tombée folle amoureuse… A la fin de mes études, j’ai enchaîné avec un DESS en urbanisme à Aix-en-Provence et j’ai créé mon agence en 2007.
Qu’est-ce qui vous a poussé à embrasser ce métier d’architecte ?
Je pense que la Corse y est pour beaucoup, notamment le fait d’avoir été très tôt dans une forme d’esthétisme. Mon rapport à l’île est presque sacré, mystique. C’est un des rares endroits où on trouve encore des zones totalement naturelles. C’est vital pour moi de respecter cela quand je construis un bâtiment.
La Méditerranée demeure votre principale source d’inspiration…
Construire en Méditerranée relève d’une démarche très particulière… Il faut être guidé par le bon sens, notamment en ce qui concerne le climat. Le bâtiment va vivre toute l’année et traverser toutes les saisons, il faut donc concevoir son enveloppe en fonction, se mettre au service de la Nature. C’est aussi pour moi une histoire de lumière. Extrêmement aveuglante, elle crée des ombres très contrastées.
Avez-vous des matériaux de prédilection ?
Depuis mes débuts, j’aime explorer un matériau naturel à chaque nouveau projet. J’ai déjà conçu un édifice en granit, l’extension d’un monument historique en cuivre et récemment une école en bois. On est aussi en train créer un groupe scolaire en terre cuite à Villeurbanne. Ces matériaux sont capables de traverser les années, de s’embellir avec le temps.
Vous considérez-vous comme une architecte écologique ?
Ce qui est certain, c’est que dès que j’ai affaire à un site naturel, j’essaye au maximum de le respecter. Pour mon dernier projet, il y avait deux chênes centenaires sur le site. Au lieu de les couper, on les a glissés au milieu de l’école de manière très délicate. Et on a laissé intact tout ce qui se passait autour, pour que la Nature puisse reprendre ses droits.
Comment abordez-vous vos projets ?
Le travail qui précède le dessin, ressemble à celui d’un journaliste ou d’un archéologue. Je prends le temps de me nourrir du site afin d’imaginer la manière dont il va vivre après les travaux. Je suis en train de réhabiliter un couvent à Sainte-Lucie de Tallano (Corse-du-Sud). C’est un monument historique de 1480 en ruines et cela crée bon nombre de difficultés… Il faut faire preuve de douceur et de respect afin de redonner vie à l’édifice. Cette expérience rejoint celle de la citadelle de Miollis à Ajaccio sur laquelle je travaille actuellement. C’est un lieu à la charge émotionnelle très forte localement. Pour que les choses aient du sens, ce travail d’enquête est absolument nécessaire. Le passé doit écrire le futur…
Collaborez-vous parfois avec d’autres architectes ?
Dès que je dois le faire, ça ne fonctionne pas… Heureusement, parfois, il y a de belles rencontres. Je sors d’une collaboration avec Rudy Ricciotti. C’est avec ce genre de personnalité que je peux travailler, un vrai Méditerranéen. En lui, il y a autant de douceur que de violence. Il est très honnête dans sa façon d’exercer ce métier et ne se déjuge jamais. Je sors de cette expérience avec un grand sourire, d’autant qu’on a remporté le conservatoire d’Ajaccio !
> Amelia Tavella Architectes. 11, boulevard du Roi René, 13100 Aix en Provence. Tél. : 04 26 78 23 70.