Lisbonne vous fera tellement de charme que vous n’aurez plus envie de la quitter. De fait, son castelo de São Jorge, sa tour de Belém, ses monastères de style manuélin, comme celui des Hiéronymites où Fernando Pessoa est enterré, ses éblouissants palais décrépis qui ouvrent parfois leurs portes aux curieux chamboulent les sens. La petite capitale portugaise ressemble à une duchesse qui croulerait sous les perles. Joana Marcelino, jeune architecte en vogue qui réalise boutiques et maisons, nous dévoile ainsi l’atelier-musée de Júlio Pomar (1926-2018) dans le Bairro Alto, où résident beaucoup d’artistes. « Cet endroit est magique pour sa structure très simple, sa lumière naturelle qui pulse en douceur et bien sûr les œuvres du peintre. »
Sous le jardin Príncipe Real, une autre trouvaille : le réservoir d’eau Patriarcal, dont le bassin octogonal approvisionné par l’aqueduc das Águas Livres construit au XVIIe siècle et qui irriguait autrefois la ville, était relié au quartier São Vicente. Ces bâtiments ajoutés au réservoir d’eau Mãe d’Água, à la station de pompage à vapeur des Barbadinhos ainsi qu’à la galerie du Loreto (tunnel souterrain bordé de canaux en pierre acheminant l’eau vers les fontaines) se réunissent sous la bannière du musée de l’Eau et se visitent. À noter que sous l’un des arcs de l’aqueduc, entre deux piliers, une chapelle dédiée à Notre-Dame de Monserrate a été construite, laquelle est toujours fréquentée par la noblesse lusitanienne.
Cette aristocratie vit à Lapa, autre perle qui abrite gouvernement, ambassades et l’ancien palais des comtes d’Alvor, aujourd’hui musée national d’Art ancien. Le contraste est frappant avec Mouraria, un quartier populaire en escaliers. Sous la protection de Fátima, la paroisse de naissance de la chanteuse Maria Severa Onofriana est considérée comme le creuset du fado. Chats philosophes, amoureux sirotant un café, pavés noirs et blancs, voisins papotant sur leurs chaises de paille, Mouraria a une parfaite gueule d’atmosphère saudade. L’artiste anglaise Camilla Watson a d’ailleurs photographié chaque maison et ses occupants : « Retratos de Fado » s’affiche en exposition permanente sur les façades. Album de souvenirs couleur sépia…
Quelle autre capitale européenne que Lisbonne offre cet exaltant sentiment balnéaire ? Car, on bronze face au pont rouge du 25-Avril ou du sanctuaire du Christ Roi, mais aussi face à l’immensité du Tage qui évoque un océan sur lequel le soleil tape fort. Pour s’en protéger, les Lisboètes se sont faits jardiniers. D’innombrables parcs, gracieux refuges à l’ombre des fontaines et des belvédères carrelés d’azulejos, offrent des bancs de marbre crème où rêver devant l’horizon. Certes, les sept collines, aussi escarpées que celles de Rome, moulinent menu nos mollets, mais les tuk-tuks facilitent les déplacements, de même que le tram n° 28 qui relie Martim Moniz à Campo Ourique via Graça, l’Alfama, la Baixa et Estrela.
On bénit aussi l’ascenseur en fer forgé Santa Justa qui nous soulève de trente mètres entre Baixa et Bairro Alto. Dès 17 heures, l’esprit festif de la ville se réveille et enivre comme un bon vin. Comme les chats, on saute d’un rooftop à l’autre : balcon de l’hôtel Altis Avenida, mini-toit-terrasse du Lumni, toit du Sky Bar et terrasse du « fashionable » Park, épinglé au faîte d’un parking. Le circuit de la nightlife lisboète passe par la Pensão Amor, ancien bordel devenu La Mecque des spectacles burlesques, et se déplace jusqu’à la LXFactory, site industriel transformé en scène musicale, bourré de bars, boutiques et studios de créateurs. Le dimanche, Lisbonne se remet la tête à l’endroit en joggant le long de la jetée du Tage, en pédalant électrique (vu la déclivité du terrain) ou en filant vérifier la blondeur de la plage de Fonte da Telha, à trente minutes, ou bien encore en craquant pour un brunch familial sur fond de pastéis de nata (petite pâtisserie mythique… et calorique, à base de flan saupoudré de cannelle dans un écrin de pâte feuilletée).