Bien que prodigieusement durable, la tendance industrielle n’a pourtant rien d’immuable. Chaque année, cette direction créative prend un nouveau tournant, renouvelant sans cesse le style, et offrant des approches surprenantes. Pour la saison à venir, des formes abruptes viendront s’opposer à des matières savamment travaillées pour rafraichir le look.
Dans une recherche de simplicité de plus en plus prononcée, doublée d’une volonté de promouvoir des techniques de production responsables, les objets et intérieurs prennent des apparences brutes, parfois même grossières. Pour limiter la multiplication des déchets, les designers explorent de nouvelles techniques industrielles. Des procédés de construction simples sont privilégiés et les formes deviennent plus sobres, évoquant les débuts de l’architecture moderne et du mouvement Brutaliste.
Une esthétique extrudée émerge notamment, provenant directement des nouvelles avancées de la technologie 3D, qui donne encore avec certains matériaux un résultat grossier et des surfaces striées. Un prototype de maison entièrement construite en béton imprimé a ainsi été présenté à Milan cette année par Massimiliano Locatelli, fondateur de CLS Architetti. La construction ne prend que quelques heures mais le résultat est une série de murs irréguliers qui rappellent l’architecture primitive. Au lieu d’être polis, cachés, ces défauts sont célébrés, et rehaussés par une association avec des surfaces plus luxueuses. Les encadrements de portes, les prises électriques et autres installations, sont faites d’un laiton impeccablement brossé.
En un mot, les techniques industrielles sont poétisées. Des ressources bon marché, faciles à produire, habituellement négligées, sont sublimées avec des procédés simples, associant la fabrication en série à des finitions à la main. Sans prétention, la mousse industrielle est trempée puis moulée dans la porcelaine. Des tuyaux en plastiques, disponibles dans le moindre magasin de bricolage, sont thermo-formés par pressurisation de l’air. Des matériaux dits cheap, produits en masse, trouvent une nouvelle dimension avec le travail de l’artisan-designer. Mais le contraire est également vrai, et des matières de qualité s’associent à des volumes bruts qui semblent directement sculptés dans la matière solide, et naïvement juxtaposés.
Les pierres naturelles prennent des couleurs industrielles, comme la table basse de Claude Missir pour Nilufar, construite dans un bloc de Ceppo di Gré, robuste mais noble. La marque italienne Giobagnara applique un cuir fin à des objets en pierre, apportant une chaleur et une sensualité inattendues à ses collections, toutes réalisées à la main. Le style industriel a définitivement pris du galon, gagné ses titres de noblesse, et n’a plus d’industriel que le nom.