Dans quel état d’esprit avez-vous abordé le dernier Salon de Milan ?
Samuel Accoceberry : Je considère ce salon comme un moment festif où l’on retrouve des gens du milieu. Ayant habité quatre ans à Milan, c’est aussi pour moi l’occasion d’allier rencontres professionnelles et amicales. Je n’avais encore jamais eu la chance, jusqu’à cette année avec Flexform, de travailler pour une marque italienne. Auparavant, j’ai collaboré avec des entreprises françaises comme Alki et, cette année, avec l’éditeur landais Bosc. J’ai également participé à des expositions culturelles. En fait, je vais à Milan détendu, en y prenant du plaisir, sans programme de guerre.
Qu’est-ce qui a le plus changé au Salon du meuble ?
Depuis vingt ans, création mise à part, ça n’a pas beaucoup changé… À quelques exceptions près, les marques italiennes fonctionnent de la même façon : chaque année, elles s’adressent au même top 10 des designers qui, eux, travaillent pour les mêmes labels. Patricia Urquiola est toujours là, mais elle a une capacité à produire de la nouveauté qui est incroyable. Avec toutes les marques qu’elle représente, elle pourrait porter seule tout le salon même si, parfois, on retrouve les mêmes ingrédients dans ses productions. Côté édition le sang neuf fait donc un peu défaut. Il n’y a finalement que très peu d’interstices pour de nouveaux créateurs, et seul Moroso ose afficher des noms encore inconnus de designers.
Qu’apprend-on chez Antonio Citterio ou Rodolfo Dordoni ?
Venu apprendre le mobilier, j’y ai apprécié la façon de travailler. L’Italie est un pays latin. L’avantage, c’est de pouvoir rebondir sur un projet pour en faire quelque chose d’autre, même au dernier moment.
En Italie, un projet avancerait sans que personne ne souffre ?
Oui, les Italiens possèdent cette prédisposition à ne pas bloquer les choses. Fonctionner sans règles paralysantes permet de s’adapter. Cela peut donner un sentiment de léger chaos, mais là où ils sont forts, c’est qu’ils prennent ces risques avec un résultat toujours probant. Cette agilité est en partie liée à l’expérience mais elle est aussi d’ordre culturel. Cela m’a libéré de certaines façons de voir la création. Quand on est français, on essaie toujours d’intellectualiser. En Italie, même ceux qui peuvent le faire mettent plutôt en avant leur instinct.
Quatre ans en Italie chez Citterio et Dordoni puis six ans à Paris chez Arik Lévy, quelles différences avez-vous observées ?
Au début, quand on travaille pour quelqu’un, on cherche à comprendre. À Milan, c’était la culture du mobilier chez les architectes, à savoir Citterio, avec sa vision du design très construite, ou Rodolfo Dordoni, plus dans l’approche de décorateur, avec une grande sensibilité aux matériaux. Au studio d’Arik Lévy, le champ d’action était complètement décloisonné.
Quand on collabore avec un designer connu, à quoi pense-t-on ?
Le designer pour qui l’on travaille sait qu’on va partir. Il faut donc développer son propre univers, comme un garde- fou, afin d’exister par soi-même. Ce n’est pas qu’une question d’ego (rires). Le confort n’étant pas un gage de création, on conçoit finalement très bien dans l’incapacité de s’adapter.