Lassé par la monotonie des villes, Paul Eis offre un nouveau visage aux façades grisâtres qu’il rencontre principalement en Allemagne, mais aussi en Autriche, en Pologne ou encore en Slovénie. Quelles soient récentes ou issues des plus belles heures du mouvement moderne, ce natif de Berlin, aujourd’hui étudiant en architecture, nous invite à redécouvrir leur géométrie par le prisme de la couleur et nous raconte son projet.
Comment est née cette série ?
Plus ou moins par hasard, lors de l’été 2015 j’ai commencé à photographier des lotissements berlinois de l’ancienne RDA. Des bâtiments très photogéniques en raison de leur géométrie exacerbée, mais d’un autre coté, ils sont pour la plupart gris et monotones. J’ai donc décidé d’ajouter quelques couleurs aux façades, avec Photoshop, pour rendre les photos plus intéressantes. Ce qui m’a ensuite conduit à faire de même avec des immeubles entiers.
Comment sélectionnez-vous ces immeubles ?
Ils sont très différents en termes d’usage, d’échelle ou de style mais ils ont tous une structure « accrocheuse » et prononcée, souvent très géométrique. J’évite simplement les façades avec des ornements ou d’autres ajouts qui détourneraient le regard de la structure globale.
Comment élaborez-vous vos palettes de couleurs ?
De manière assez intuitive, cela dépend principalement de la structure des bâtiments. Je regarde plusieurs aspects : l’échelle des éléments, leur variété ou leur agencement. Sont-ils ordonnés ? La géométrie est-elle douce ou brusque ? Existe-t-il une forme globale ? Etc… Par exemple, un immeuble avec un aspect fluide appelle plutôt un dégradé. Alors qu’une façade fragmentée et aléatoire me fait d’avantage pencher pour des teintes contrastées. De façon générale, j’essaye de souligner leur « mélodie ».
Pourquoi gommez-vous le contexte autour de ces immeubles ?
Parce que ces images portent uniquement sur le design des bâtiments, de manière abstraite mais saisissante. Je ne veux pas suggérer d’améliorations concrètes, il s’agit plus de montrer l’impact de la couleur sur ces structures. Le contexte interfèreraient trop avec leur composition et ces photos pourraient être interprétées comme des propositions réelles, ce qu’elles ne sont absolument pas !
Ce travail affecte-t-il vos travaux d’étudiant ?
Pas directement, je ne dessine pas que des bâtiments résolument colorés. L’une des premières choses que j’ai apprises, c’est qu’une bonne image est très éloignée d’un bon projet. Même si c’est tentant de se concentrer sur la représentation à l’ère d’Instagram et Pinterest. J’essaye plutôt de réfléchir à des concepts qui soient aussi frappants que mes images, mais aussi d’utiliser des structures reconnaissables, où l’apport de la couleur reste toujours une possibilité.
Personnellement, quels architectes vous influencent ?
Bruno Taut par exemple, l’un des pionniers de l’architecture moderniste. Dans les années 1920, il a développé une théorie de la couleur pour l’appliquer à ses vastes lotissements et apporter une touche individuelle à ses constructions. Chez mes contemporains, je citerais l’agence Sauerbruch Hutton. Leurs bâtiments ne sont pas spectaculaires dans la forme mais l’utilisation de la couleur les rend uniques, au point de devenir des repères dans la ville.
Aujourd’hui vous vendez certains de vos travaux sur internet. Avez-vous déjà songé à une exposition ?
Oui, je suis en contact avec une galerie de Berlin mais je ne peux pas en dire plus pour le moment.