Dans quel état d’esprit êtes-vous quatre mois avant le Salone del Mobile ?
Patrizia Moroso : Je ne me sens pas, chaque année, dans un état d’esprit spécifique ! (Rires) C’est une force. Si chaque édition du Salone est différente, l’une dans l’autre, les choses s’équilibrent d’elles-mêmes. D’où ma liberté de laisser les choses ouvertes, avec une part d’imprévu. C’est une bonne façon de faire une collection. Bien sûr, j’ai déjà travaillé sur beaucoup de choses en amont. La plupart sont presque prêtes pour la Fiera, mais d’autres non. Car nous ne présentons pas une mais beaucoup de nouveautés.
Quel sera le thème du stand Moroso 2018 ?
Cette année, sur notre stand conçu comme d’habitude par Patricia Urquiola, nous introduisons une touche d’art. Je n’en dirai pas plus car nous sommes encore en train de mettre tout cela au point. Patricia vient d’ailleurs aujourd’hui de Milan pour qu’on en parle. Ce sera un stand comme une galerie d’art, très lumineux, qui mettra la création sur un piédestal.
Et les nouveautés ?
Un sofa, des chaises et des pièces de complément de Patricia Urquiola bien sûr. Le duo Doshi Levien développera une collection entamée l’année dernière. Il y aura plusieurs canapés pour la maison et des nouveautés d’un designer danois pour le contract. Et dans la collection « M’Afrique », que j’aime énormément, il y aura une très belle chaise de l’architecte David Adjaye. Là encore, je ne vous en dis pas plus parce que cela dépend de ce qui sera prêt.
Invitez-vous toujours, au Salone, l’ensemble du personnel de Moroso ?
Bien sûr. Nous affrétons un grand bus afin que les personnes de tous nos services puissent venir. C’est important pour nous. Cela permet de voir si les choses marchent bien mais aussi de partager cette satisfaction ensemble. Chacun, quel que soit son investissement, en voit l’aboutissement.
Quel effet cela fait-il de porter un nom synonyme d’une belle idée du design ?
Aucun, je l’ai voulu. En 1986, c’est avec moi que la société s’est orientée vers le design contemporain. Auparavant, c’était déjà une belle entreprise mais elle était différente. Étant directrice artistique, je reste surtout concentrée sur la création. Mais je pense que ce qui fait Moroso est la somme d’une infinité de choses. J’essaie d’impulser du neuf chaque année, c’est tout. Ce n’est pas une stratégie. Je suis également soucieuse de diversité aussi bien chez les designers que dans la façon de faire du design.
Travaillez-vous de la même façon avec les designers qu’à vos débuts ?
Plus ou moins. D’abord, quand je faisais nos premières collections, dans les années 80, j’exerçais avec des amis. Ils étudiaient l’architecture ou le design et avaient à peine 22 ans. J’essaie toujours de collaborer avec des gens que j’aime. Sinon, vous perdez quelque chose, ne serait-ce que du temps. Je peux aussi m’associer avec des débutants. Quand, il y a dix ans, j’ai travaillé avec Doshi Levien, ils émergeaient. Nous avons fait récemment une exposition à Milan pour montrer tout ce travail commun. Ce sont des relations pour toujours, avec Patricia Urquiola depuis vingt ans, Ron Arad depuis trente ans. Avec lui, c’est une collaboration d’éditeur à artiste, même s’il est architecte et designer. J’en suis très fière. Le design devient dès lors bien autre chose qu’uniquement fonctionnel. C’est un esprit, une vision, une folie.