Kann Design, c’est d’abord une histoire de famille. Une histoire qui commence loin d’ici, à Beit Chabab, un village libanais où le père d’Houssam Kanaan, ébéniste, a créé son propre atelier. Petit déjà, Houssam venait y travailler pendant l’été. Il s’imprégnait dans ces lieux du savoir-faire en perpétuel perfectionnement qu’induit le sur-mesure, avant d’en prendre la tête en 2010. En hommage à l’époque de sa création, 1958, l’atelier de « deuxième génération » se dirige naturellement vers le style des années 50, mais d’inspiration… scandinave !
Le studio s’est ensuite ouvert aux collaborations extérieures pour enrichir et varier son offre : José Pascal d’abord, architecte libanais basé à Paris ; les designers italiens Nicola Santini et Pier Paolo Taddei ; les Aveyronnais du label Bleu de Chauffe, spécialistes de la maroquinerie ; les designers Amandine Chhor et Aïssa Logerot, de AC/AL Studio ; ou le jeune designer français Jean Couvreur.
Lorsque Houssam et sa femme, Meghedi Simonian, ancienne graphiste au magazine Mouvement, se mettent en quête d’un appartement parisien, c’est avec l’intention de privilégier les volumes. Et s’ils ne cherchaient pas forcément dans le XIIIe, c’est un coup de cœur qui en décida lorsqu’ils découvrirent le potentiel de cet espace en duplex au trentième et dernier étage de l’une des tours des Olympiades.
Ce complexe résidentiel édifié dans les années 70 par Michel Holley est un exemple typique du principe de « zoning vertical » inspiré de La Charte d’Athènes de Le Corbusier. La construction sur dalle permet de séparer les activités : circulation reléguée au sous-sol, commerces et espaces de travail au rez-de-chaussée et lieux d’habitation en hauteur. Conservée dans son jus très seventies (de la couleur des boîtes aux lettres au design des ascenseurs), cette architecture chargée de l’histoire – souvent sujette à polémique –, de la rénovation urbaine parisienne n’a pas empêché le couple de tout de suite s’y projeter.
Séduits par l’unité du lieu et les détails, comme les carrelages et les mosaïques typiques de l’époque, particulièrement prégnantes dans les salles d’eau, Houssam et Meghedi n’ont envisagé que très peu de modifications. « On a privilégié le blanc, pour la lumière, et pour conserver un maximum de liberté dans l’aménagement des meubles et des accessoires. Mais aussi et surtout pour mettre en avant nos photos et nos illustrations », explique Houssam.
Car autant qu’un lieu de vie, l’appartement avait vocation à devenir une jolie galerie privée. « Chaque image exposée ici a une histoire qui nous relie à elle », raconte ce féru de photo. On y retrouve le travail de Rudy Bou Chebel, photographe reconnu au Moyen-Orient, associé chez Kann Design et photographe de plateau ; des tirages de voiture, signés Mathieu Karst ; et les œuvres de Gregori Saavedra, adepte de grands formats en technique mixte, découvert à l’Espace M.H. Karst, qu’il suit depuis longtemps.
Houssam apprécie par ailleurs les photographes libanais dont le travail est imprégné du passé du pays. « Les photos et les illustrations qu’on aime ont une histoire et font partie de notre histoire, de notre vie, à travers des rencontres. J’ai toujours été entouré de photographes, comme Rami Mekdachi, du collectif Lola James Harper, libanais lui aussi, et dont nous exposons les tirages dans nos deux boutiques », poursuit Houssam. Des choix aux parcours multiples qui sont autant d’incitations au voyage.
Aux photos, Houssam et Meghedi aiment mêler les illustrations d’une amie iranienne, Shabnam Zeraati, qui représentent des animaux dans des postures érotiques, symboles forts dans la mythologie de son pays. Tout aussi inventives sont les desins de Gabrielle Ambrym, créatrice de vêtements et dont l’atelier est voisin de la boutique de Kann Design, rue des Vinaigriers (Xe arrondissement). Des œuvres comme autant de fils d’amitié, de liens avec les membres d’une famille élargie et de fenêtres ouvertes sur le monde…