D’abord, il faut traverser la lagune de Venise, direction l’île de Murano, fief des artisans verriers depuis le XIIIe siècle. Une fois débarqué, il faut emprunter une ruelle avant de découvrir « The Unplayed Notes Factory », l’œuvre de Loris Gréaud, sise dans une usine désaffectée depuis une soixantaine d’années. Dans la semi-obscurité, le visiteur déambule hors du temps. Immergé dans l’odeur de fumée, le bruit du verre brisé et la chaleur provoquée par des jets de flammes s’échappant des fours entrouverts, il est surtout ébloui par les milliers de bulles de verre, ces 1 200 lampes à filament qui forment des nuages et tapissent le plafond.
À la gauche de l’entrée, un maestro souffle en direct de nouvelles pièces qu’il suspend à un rail mécanique d’où, inlassablement, certaines se détachent et tombent, provoquant des variations d’intensité lumineuse. Aussitôt balayés, les résidus sont récupérés et remis dans le fourneau. Cette ronde perpétuelle, qui s’apparente à une vanité du XXIe siècle, Loris Gréaud l’a créée avec la complicité de Nicolas Bourriaud, directeur du MoCo, le centre d’art contemporain de Montpellier.
La verrerie du Campiello della Pescheria n’est pas une galerie, l’artisan n’est pas un performeur et « The Unplayed Notes Factory » n’est pas une simple installation, mais un véritable tableau vivant inspiré du mythe de Frankenstein, ou de Metropolis de Fritz Lang. En effet, pour Loris Gréaud, il s’agit de « réveiller la bête ». Mais, contrairement aux ouvriers du film de Fritz Lang servis en pâture à une machine qui ne produit rien, ici les artisans engendrent de la poésie. Ce projet a bénéficié du soutien de la Fondation Berengo qui, au pied du pont de l’Académie, à Venise, présente « Glasstress », une exposition associant artistes contemporains et maîtres verriers de Murano, à laquelle participe également Loris Gréaud.
« The Unplayed Notes Factory ». Au Campiello della Pescheria, Murano, Venise, jusqu’au 26 novembre.