Un rapide survol de la côte entre Monaco et Hyères fait surgir, sans prévenir, les falaises ocres, vigies volcaniques aux pieds lestés dans l’émeraude des chênes-lièges et des pins, les yeux rivés sur le grand bleu. Vu du ciel, l’Estérel a tout d’une montagne magique, un cap parfumé, miraculeusement intact sur ce littoral blindé à bloc. Seule la minuscule île d’Or distrait son horizon d’azur, plein sud – avec ce donjon dont Hergé se serait, affirme-t-on, inspiré pour planter le décor écossais de L’Île noire.
Zoom à moins d’un mile, à même la grève de galets gris doublement cernée par des petites plages sableuses : Les Roches Rouges refont surface cet été, revampées de frais. D’emblée, on comprend comment Valéry Grégo, le propriétaire, est tombé sous le charme de cette belle endormie, une architecture moderniste chaulée à blanc et frontalement offerte aux éléments. On pense à Cap-Martin, à Eileen Gray et à sa villa E-1027, les restanques en moins… Ici, la piscine d’eau de mer creusée dans la roche sort l’immeuble de ses gonds, le propulse littéralement dans l’écume. Comme à son habitude, Perseus Properties et ses Hôtels d’En Haut – compagnie d’hôtels alpins et désormais côtiers, auxquels s’ajoute Le Pigalle parisien – font bien les choses. Histoire de « Vivre le voyage. S’émouvoir. S’émerveiller. Cultiver le goût des odyssées ».
À nouveau, le duo de Festen Architecture a redessiné les contours et mis les formes intérieures : 49 chambres et suites, toutes flanquées d’un balcon ou d’une terrasse de plain-pied, unique filtre avant la Grande Bleue, sur fond de quartzite rose posé en opus incertum, un dallage à forte identité provençale. Les deux restaurants (dont un seul rouvrira cet été 2020 pour cause de coronavirus), leurs bars – cocktails sur mesure d’un barman plaqué or – et le spa confondent l’hôtel dans une bulle, une dolce vita rêvée qu’il n’est pas question de quitter avant d’en avoir ausculté tous les recoins. De façon peu habituelle, on entre ici par le haut, en inversant les volumes jusqu’à prendre le large tout autour d’un couloir de nage, quatre étages plus bas.
Dès le lobby, les indices d’un lifestyle maîtrisé à la perfection ne trompent pas : le reptilien sofa de cuir De Sede, les appliques en terre cuite de l’artiste Guy Bareff, les livres finement choisis sur la table basse en cannage et les simples tréteaux en guise d’accueil. Antiquaires du XXe siècle, Hélène Bréheret et Benjamin Desprez ont largement mis leur grain de sel. On pourrait être à Big Sur (Californie) ou à Pantelleria (Italie), mais c’est bien la Riviera qui vous embrasse déjà, par surprise, comme un personnage de la Nouvelle Vague. Une fraîche eau de sureau plus tard, on trouve dans les chambres la même recherche désinvolte, le même luxe discret : les polas du studio Be-poles, les produits de soin Le Labo, les croquis léchés de Jean André sur le marbre et les murs immaculés, encore des livres, un plaid en lin et un panier de plage à dispo…
Et, bien-sûr, LA VUE ! Le long des golfes clairs chers à Trenet, pas de télé (mais une tablette) pour se concentrer sur l’essentiel : les vacances, la famille, les amis. Et les jours qui n’en finissent plus : hatha-yoga, stand-up paddle, VTT, plongée ou snorkeling dans la baie d’Agay, et les randonnées sur le mont Estérel avec le guide forestier Joseph Di Caro, ou le cabotage sur le bateau du pêcheur Olivier Bardoux, deux passionnés toujours prêts à partager leur terre et mer natales. En attendant la partie de pétanque et la séance de cinéma à la belle étoile…
Quand sonne l’heure du repas, le chef José Bailly applique à la lettre les préceptes maison – fiers producteurs locaux et circuits courts – et fait fructifier les poétiques recettes d’un livre de cuisine provençale écrit en 1963. Pas mieux qu’un artichaut barigoule, un aigo-boulido ou une bohémienne pour s’enivrer des senteurs de l’arrière-pays. Avant de sombrer dans une sieste salvatrice, le doux boomerang des vagues en fond sonore.
> Les Roches Rouges. 90, boulevard de la 36e-Division-du-Texas, 83530 Saint-Raphaël. Tél. 04 89 81 40 60.
À partir de 250 € la chambre, petit déjeuner compris. Jusqu’au 1er novembre. Hotellesrochesrouges.com
> Réouverture le 19 juin 2020 dans le respect des normes sanitaires. Le restaurant étoilé ne rouvrira pas malheureusement cette saison, mais il reste possible pour les hôtes de manger à la Plage gourmande.